Pourquoi la Banque de France a-t-elle souhaité créer un Prix « Jeunes Chercheurs en Finance Verte » ?

Le rôle de la « Finance verte » dans la lutte contre le changement climatique a été inscrit expressément à l’Article 2 de l’Accord de Paris de 2015 sur le climat : les flux financiers doivent être rendus compatibles avec un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.

Le financement de la transition vers une économie bas carbone ne peut en effet être assuré uniquement par les acteurs publics. C’est l’ensemble du système financier qui doit s’adapter à cet enjeu majeur pour mieux prendre en compte les risques que le changement climatique fait peser sur les acteurs économiques et financiers et pour saisir les opportunités liées à une réorientation des flux financiers.

Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont été prises à la fois par les acteurs financiers et leurs régulateurs pour engager cette transformation. Ainsi, au sommet international sur le climat (« One Planet Summit ») qui s'est tenu à Paris en décembre 2017, la Banque de France a pris l’initiative de la mise en place du Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier (Central Banks and Supervisors Network for Greening the Financial System – NGFS). Ce réseau est un forum reposant sur le volontariat et le consensus et dont l’objectif est de partager les meilleures pratiques, de contribuer au développement de la gestion des risques liés au climat et à l’environnement dans le secteur financier, et de mobiliser la finance classique afin de soutenir la transition vers une économie durable.

Tous les travaux engagés jusqu’à présent soulignent l’importance de poursuivre et développer les travaux de recherche académique en vue d’améliorer notre savoir collectif sur l'incidence exercée par les risques liés au climat sur le secteur financier et sur le financement de la transition vers une économie à faible émission de carbone.

En octroyant un Prix « Jeunes Chercheurs en Finance Verte » depuis 2018, la Banque de France a souhaité donner un signal de son engagement en faveur d’un développement des travaux de recherche nécessaires.

Pour candidater à la 7ème édition du Prix Jeunes Chercheurs en finance verte, cliquez ici.

Nos lauréats témoignent

Image Prix Banque de France « Jeunes Chercheurs en Finance Verte »
De gauche à droite : Gauthier Vermandel, Irene Monasterolo, Mathias Reynaert, Olivier David Zerbib, Fanny Henriet, Louis-Gaëtan Giraudet.

Gauthier Vermandel (Lauréat 2023)

« La macroéconomie du changement climatique, telle qu'utilisée par le GIEC, se concentre sur des horizons à long terme, offrant une analyse approfondie des interactions entre l'économie et le climat sur une période longue. Bien que cette approche soit essentielle pour orienter les décisions de politique publique à long terme, elle fournit peu d'informations pour les politiques de court terme. En revanche, la macroéconomie traditionnelle de court terme s'est souvent détournée des questions climatiques. Le prix "Jeunes Chercheurs en Finance Verte" récompense mes travaux visant à intégrer une perspective de court terme dans les modèles économiques de long terme afin d'aborder les questions climatiques de manière plus immédiate. Cette nouvelle approche méthodologique permet de traiter des enjeux importants à court terme liés à la transition vers une économie bas carbone, comme l'impact d'une taxe environnementale sur les taux d'intérêt, les primes de risque, et l'inflation. Ce cadre permettra de mieux informer les politiques de stabilisation, fiscales et monétaires, qui joueront un rôle clé pour atténuer les effets futurs des politiques environnementales et du changement climatique. Le manque de considération des questions environnementales dans les revues économiques américaines peut décourager les jeunes économistes de s'engager dans ces recherches pourtant essentielles. Ce prix offre une reconnaissance académique qui encouragera d'autres jeunes chercheurs à poursuivre cet agenda de recherche fondamental et légitime. »

Ce prix offre une reconnaissance académique qui encouragera d'autres jeunes chercheurs à poursuivre cet agenda de recherche fondamental et légitime.
Gauthier Vermandel
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Lauréat 2023

Irene Monasterolo (Lauréate 2022)

« Mes recherches ont contribué à l'analyse de la relation entre les risques climatiques et le système financier. J'ai introduit des mesures et des modèles pour évaluer l'impact du changement climatique et de la transition vers une économie à faible émission de carbone, et pour analyser le rôle des sentiments climatiques des investisseurs dans la facilitation ou l'entrave à la transition. J'ai co-développé le premier cadre permettant de traduire les scénarios climatiques en ajustement de l'évaluation financière des contrats et des titres, des mesures de risque des investisseurs et du risque systémique. Cet exercice de stress-test climatique inclut les Climate Policy Relevant Sectors, une classification scientifique de l'exposition des activités économiques au risque de transition, qui a été appliquée par plusieurs superviseurs financiers. Avec le modèle comportemental EIRIN Stock-Flow Consistent, j'ai étudié dans quelles conditions les politiques et les instruments de la finance verte (par exemple la taxe carbone, les obligations souveraines vertes) peuvent favoriser la transition vers une économie à faible émission de carbone, et les compromis potentiels sur l'inégalité et la stabilité financière. Ce modèle a depuis été appliqué par d'autres institutions, par exemple pour évaluer les impacts macro-financiers de la combinaison des risques climatiques et pandémiques ou pour évaluer la double matérialité des risques climatiques. Mes recherches ont été publiées dans Science et Nature Climate Change. Le prix m'a permis de présenter les résultats de mes recherches à un public plus large dans le domaine de la finance climatique. »

Mes recherches ont contribué à l'analyse de la relation entre les risques climatiques et le système financier.
Irene Monasterolo
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Lauréate 2022

Mathias Reynaert (Lauréat 2021)

« En 2021, le jury du prix « Jeunes Chercheurs en Finance Verte » a récompensé mon travail sur l'évaluation de la réglementation environnementale sur le marché automobile européen. À partir d’une base de données riche sur les résultats de marché, combinée à des modèles économiques sur les comportements stratégiques des entreprises, mon travail souligne que comprendre la mise en œuvre à la fois politique et pratique de la réglementation de manière croisée avec les réponses stratégiques des entreprises est crucial pour évaluer les conséquences en termes de bien-être des normes d'émission. Une mesure fiable des taux d'émission jouerait un rôle essentiel dans le secteur automobile, et nous devrions voir dans les rapports malhonnêtes publiés par des entreprises du secteur automobile une leçon pour la mesure des émissions dans le cadre d'autres réglementations et, plus largement, dans le cadre de la performance ESG. Ce prix m'a donné la reconnaissance et les moyens d'approfondir mon programme de recherche sur ces sujets. »

Comprendre la mise en œuvre à la fois politique et pratique de la réglementation de manière croisée avec les réponses stratégiques des entreprises est crucial.
Mathias Reynaert
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Mathias Reynaert

Olivier David Zerbib (Lauréat 2020)

« Les investisseurs verts ont des préférences non-pécuniaires pour les enjeux environnementaux qui nourrissent leurs décisions d'investissement. Un des défis est de parvenir à évaluer l'effet de ces préférences (i) sur la valorisation des actifs financiers et, en conséquence, (ii) sur les pratiques des entreprises. Une des complexités de cet enjeu est que les préférences non-pécuniaires des investisseurs varient au cours du temps. Il convient ainsi de parvenir à modéliser leurs dynamiques et d'en estimer les effets. Le prix du Jeune Chercheur en Finance Verte de la Banque de France nous permet de tester les résultats du modèle que nous développons en utilisant les détentions d'actifs des fonds verts pour construire un proxy dynamique des préférences non-pécuniaires des investisseurs verts. Nous espérons ainsi éclairer le débat sur l'impact de l'investissement vert - lorsque l'on prend en compte sa dynamique - sur le prix des actifs et les pratiques des entreprises. Plus d’informations »

Nous espérons éclairer le débat sur l'impact de l'investissement vert sur le prix des actifs et les pratiques des entreprises.
Olivier David Zerbib
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Lauréat 2020

Fanny Henriet (Lauréate 2019)

« Les réserves d’énergies fossiles sont entre 4 et 8 fois plus importantes que notre budget carbone restant si nous voulons limiter le réchauffement à 2 degrés.  Les réserves incompatibles avec une économie bas carbone devraient rester sous terre, et font partie des « actifs échoués ». Quels sont précisément ces actifs ? Qui les détient ? Le prix jeune chercheur pour la finance verte de la Banque de France m’a permis d’approfondir cette question dans le cas du pétrole. Avec des données précises sur les coûts d’extraction et l’intensité polluante de la vaste majorité des puits de pétrole du monde depuis 1970, récupérées grâce au prix jeune chercheur de la Banque de France, nous pouvons estimer précisément quels sont ces actifs échoués. Le prix a été décisif pour entreprendre ce projet dont nous aurons bientôt les premiers résultats. Plus d’informations »

Le prix a été décisif pour entreprendre ce projet dont nous aurons bientôt les premiers résultats.
Fanny Henriet
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Lauréate 2019

Louis-Gaëtan Giraudet (Lauréat 2018)

« J’ai reçu en 2018 le Prix Jeune Chercheur de la Banque de France en finance verte. Ce prix récompensait mon projet de recherche sur l’éco-prêt à taux zéro, qui permet depuis 2009 aux ménages d’emprunter gratuitement des fonds pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement. Mes recherches visent spécifiquement à comprendre pourquoi le recours à cet instrument est si faible. J’ai vu dans cette récompense une reconnaissance de mes travaux passés sur les politiques de rénovation énergétique des logements, sur lesquels s’appuyait mon projet, ainsi qu’un encouragement à les poursuivre. Au-delà de mon projet, j’ai apprécié que la Banque de France récompense des recherches sur la demande des ménages, qui se situe en « bout de chaîne » des grands circuits financiers. Alors que les facilités de financement en faveur de la transition énergétique ne cessent de prendre de l’ampleur, leur efficacité dépend de façon décisive d’une bonne interaction entre les organismes de crédit et les ménages. En identifiant d’éventuels dysfonctionnements dans cette interaction, j’espère, grâce au soutien et à la reconnaissance de la Banque de France, pouvoir proposer des ajustements à l’éco-prêt à taux zéro et lui permettre ainsi de mieux contribuer à la massification de la rénovation énergétique. »

J’espère pouvoir proposer des ajustements à l’éco-prêt à taux zéro et lui permettre ainsi de mieux contribuer à la massification de la rénovation énergétique.
Louis-Gaëtan Giraudet
,
Lauréat 2018

Conditions de candidature (depuis 2021)

  • Mener des projets de recherche en finance verte,
  • Être titulaire d’une thèse et âgé de moins de 40 ans idéalement ou étudiant(e) inscrit en thèse et n’ayant pas encore soutenu sa thèse (dès lors que la date de la soutenance est fixée),
  • Être affilié à une université et/ou une institution académique française(s).

Les sujets de recherche

Le projet doit être un projet de recherche théorique ou empirique en économie ou en finance en lien avec l’environnement en général et le changement climatique en particulier (ainsi que la perte de biodiversité) et avec les implications de ceux-ci pour l’économie et/ou le secteur financier.

Les sujets de recherche peuvent par exemple porter sur la mesure des risques liés au climat et leur atténuation par les institutions financières ou sur le développement de l’offre de produits financiers verts dans les banques (commerciales et/ou publiques), les compagnies d’assurance et de réassurance, les gestionnaires de fonds et les marchés de capitaux. Ils peuvent en particulier être en lien avec les travaux du NGFS tels que décrits sur le site internet de ce dernier.

Exemples de sujets :

  • Les pratiques de communication des institutions financières et des entreprises en matière de risques liés au climat ;
  • Les politiques d’alignement des institutions financières avec les objectifs politiques concernant le climat (Accord de Paris…) ;
  • Les méthodologies d’évaluation des risques financiers liés au changement climatique/du différentiel de risque potentiel entre actifs « verts » et actifs « marron » ;
  • Les canaux de transmission à l'économie et au système financier des risques liés au climat, au niveau des secteurs institutionnels ;
  • L’analyse de scénarios permettant d’identifier les impacts du changement climatique sur le secteur financier ;
  • Les modèles macroéconomiques d'évaluation de l'incidence du changement climatique sur l'économie ;
  • Les actions possibles des banques centrales pour renforcer le marché obligataire vert ou le verdissement du système financier ;
  • Les liens entre politique monétaire et changement climatique ;
  • Le rôle des labels verts en finance etc.

Le comité de sélection

Le comité de sélection des différentes éditions est composé de professeurs de renom impliqués depuis de nombreuses années sur ces sujets, exerçant en France et/ou à l’étranger :

 

•    Ben Caldecott, University of Oxford Smith School of Enterprise and the Environment (plus d’informations)
•    Patricia Crifo, Université Paris Nanterre, École Polytechnique (plus d’informations)
•    Christian Gollier, Toulouse School of Economics (plus d’informations)
•    Galina Hale, UC Santa Cruz (plus d’informations)
•    Irene Monasterolo, EDHEC (plus d’informations)
•    Riccardo Rebonato, EDHEC –Risk Institute, (plus d’informations)
•    Katheline Schuber, PSE, Université Paris Dauphine (plus d’informations)
•    Peter Tankov, ENSAE Paris Tech, Paris-Saclay University (plus d’informations)
•    Olivier-David Zerbib, CREST, ENSAE(plus d’informations)

Mise à jour le 13 Décembre 2024