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L’Union : « Ramener l’inflation vers 2% d’ici 2025 »
Intervenant
François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France
Mise en ligne le 4 Juillet 2023
Interview de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France
La première préoccupation des Français en ce moment est l'inflation. Confirmez-vous qu’elle commence à décroître ?
C'est très légitimement la première préoccupation de nos concitoyens : même si l'inflation a passé son pic, elle reste trop forte. Selon l’indice européen harmonisé, qui permet de faire des comparaisons avec les autres pays, l’inflation atteint 6%. Notre objectif est de la ramener vers 2% d'ici 2025. C’est notre prévision et c'est même notre engagement. La baisse devrait continuer dès le deuxième semestre de cette année avec notamment la décélération des prix alimentaires. On pourrait revenir vers une inflation voisine de 4% à la fin de l'année 2023.
Par quoi sera permise la décélération de l'inflation ?
Il est très important de regarder la nature de l'inflation. Le début de baisse que nous avons enregistré au premier semestre est essentiellement dû aux prix de l'énergie qui ont décéléré. Au deuxième semestre, ce seront les prix alimentaires. Dans les deux cas, c'est la même mécanique : il y a un retournement des prix mondiaux du pétrole ou des céréales et, après quelques trimestres, cela se transmet aux prix à la pompe ou dans les rayons des supermarchés. Il reste tout ce qui n’est pas l’énergie et l’alimentation. C’est ce que l’on appelle l’inflation « sous-jacente ». Elle représente 70% de la consommation des Français. Pour la moitié, ce sont les services et les biens manufacturés. Cette inflation sous-jacente commence juste à se stabiliser et c’est sur elle que notre politique monétaire, qui passe par la régulation des taux d’intérêts, est efficace.
En face de cette inflation, les Français ont eu le sentiment que leurs salaires n'ont pas évolué en proportion et qu’ils ont perdu du pouvoir d'achat. Le confirmez-vous ?
L’Insee indique que le pouvoir d’achat des Français est en moyenne resté stable en 2022. Mais cela n'est pas la perception de nos concitoyens, pour deux raisons principales. La première, c’est que les achats les plus fréquents, c'est-à-dire l'énergie ou l'alimentation, sont ceux qui ont augmenté le plus. L’autre explication, c'est qu’en 2022 les salaires ont effectivement augmenté un peu moins que l'inflation. Le pouvoir d'achat a en fait été préservé par deux autres éléments qui ne se voient pas directement sur la feuille de paie. Ce sont le bouclier tarifaire, et les créations d'emplois, car quand quelqu'un retrouve un emploi, il gagne du pouvoir d’achat. Mais la meilleure façon dans la durée de retrouver du pouvoir d'achat pour les Français, c'est de diminuer l'inflation.
L’augmentation des taux a réduit la capacité d’achat des ménages dans l’immobilier. Peut-on espérer une accalmie ?
Les taux du crédit immobilier ont augmenté après une baisse qui avait été absolument exceptionnelle. Des taux entre 1% et 1,5% comme en 2021 ou début 2022, c’était du jamais vu. Aujourd'hui les taux du crédit immobilier retrouvent à peu près leur niveau des années 2010 - 2015. À l'époque il n’y avait pas les taux d'intérêt exceptionnellement bas des banques centrales parce qu'il n'y avait pas de danger d'inflation trop basse ou de déflation. Donc, nous voyons actuellement une forme de normalisation. La production de crédit immobilier se situe actuellement à près de 12 milliards d’euros par mois. C’est significativement plus qu’avant 2015 où nous étions plutôt à 9 milliards d’euros. C'est aussi significativement plus que ce qu'on observe dans les autres pays européens. Un taux moins exceptionnellement favorable réduit certes la capacité des ménages à acheter. En sens inverse, les prix de l'immobilier eux-mêmes devraient se stabiliser ou même baisser dans certains cas. Quand les taux étaient très bas, ils augmentaient. Il y a un phénomène de vase communicants.
La hausse des taux ne pénalise-t-elle pas aussi le financement des entreprises, et notamment des TPE-PME ?
Il y a une moindre croissance des crédits aux entreprises comme des crédits immobiliers. Mais nous suivons de très près le taux de satisfaction des demandes de crédit des entreprises y compris des PME et des TPE. S’il y a un peu moins de demande, ce taux d’acceptation n'a pas baissé. Par exemple, plus de 75% des TPE obtiennent encore, quand elles le demandent, un crédit de trésorerie. Le crédit est donc un peu plus cher qu'avant mais il reste largement accessible.
Que répondez-vous aux personnes qui disent que la hausse des taux risque de paralyser l'économie et que finalement le remède à l'inflation risque d'affaiblir le malade ?
L’inflation est une maladie qu’il faut soigner à temps. L'expérience longue de l'histoire économique nous dit que si l’on attend trop longtemps pour soigner cette maladie, elle devient beaucoup plus difficile à traiter. Il faudrait alors un remède de cheval. C’est ce que nous voulons absolument éviter. Si on prend l’inflation à temps, le remède est proportionné. La France va sortir progressivement de l’inflation tout en évitant la récession cette année et les années suivantes, sauf choc extérieur majeur. Or souvenez-vous, c'était une grande inquiétude l'année dernière que d’avoir deux maux en même temps : nous devrions échapper à l’un et à l’autre.
L’endettement de la France augmente. Faut-il un nouvel effort collectif, par l'impôt, pour redresser la situation ?
Quand on regarde les 40 dernières années, on voit que, malheureusement, la France n'a cessé d'augmenter sa dette publique. En 1980, elle représentait 20 % du PIB. Aujourd'hui, c’est près de 112 %. Cela veut dire que le « sac à dos » avec lequel les jeunes partent dans la vie aujourd’hui est près de 6 fois plus lourd. Par ailleurs, cette dette a augmenté beaucoup plus que chez nos voisins européens, y compris depuis la crise covid. C’est pourquoi je crois qu’il ne faut pas de nouvelles baisses d’impôts non financées. Il faut plutôt viser une certaine stabilité fiscale qui d'ailleurs simplifierait la vie de nos concitoyens et des entreprises. Il ne s'agit pas non plus de couper aveuglément dans les dépenses, mais de stabiliser globalement leur niveau après inflation : on pourrait alors revenir dans la décennie qui vient à une dette sous les 100% de PIB, ce qui était notre niveau avant covid. Nos voisins européens ont le même modèle social que nous et à peu près les mêmes services publics mais cela leur coûte nettement moins cher. Il faut regarder chez eux ce qui est plus efficace.
Comment aider les Français à mieux comprendre l’économie ?
Quand on parle de la maladie qui est l'inflation, 98% des Français sont concernés. Quand on parle du remède qu’est la politique monétaire, à peu près 98% des Français ne savent pas très bien de quoi on parle. Mais ils vous disent que cela les intéresse. C’est pour cette raison que depuis deux ans nous organisons des Rencontres de la politique monétaire. Elles auront lieu à Reims ce 4 juillet pour l’ensemble du Grand Est, juste après notre convention des managers qui s’y déroulera pour la première fois en dehors de Paris. À nous d’écouter les questions de nos concitoyens, d’entendre leurs préoccupations. Notre rôle est aussi d’apporter aux Français un maximum d'informations sur l'économie, sur l’inflation ou sur la politique monétaire. Ce sont souvent des matières compliquées, il y a beaucoup de concepts, de chiffres et de théories différentes. À nous de les expliquer de manière intelligible, tout en étant fidèles à la vérité.
Mise à jour le 25 Juillet 2024