Interview

Le Bien Public : « L’inflation va revenir vers 2% d’ici 2025 au plus tard »

Les intervenants

François Villeroy de Galhau intervention

François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France

25 Mai 2023
François Villeroy de Galhau intervention

Interview de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

 

Vous parlerez demain de la politique monétaire aux étudiants de BSB, vous allez leur rappeler que c’est la mission principale de la BdF dans ce contexte inflationniste ?

« En effet, nous lançons demain les rencontres 2023 de la politique monétaire, et je le fais à Dijon. Nous voulons écouter les Français, et expliquer notre mission première qui est d’assurer la stabilité des prix et donc de vaincre l’inflation. »

 

Justement, l’outil majeur de la lutte contre l’inflation, ce sont les taux d’intérêt et notamment directeurs. Ce mécanisme technique peut être difficile à appréhender…

« Oui, mais prenons une image simple : la bonne température de l’économie, c’est environ 2 % d’inflation, l’équivalent des 37 degrés pour la température du corps. Lorsque l’inflation est en deçà, comme on l’a connu jusqu’en 2021, l’économie est en quelque sorte anémiée, et il faut la stimuler avec des taux d’intérêt très bas. À l’inverse, quand l’inflation est trop haute, il y a surchauffe : il faut alors traiter la fièvre; le remède, c'est de monter les taux d’intérêt. En augmentant le taux fixé par la banque centrale - NDLR, actuellement à 3,25 % -, on évite que la demande des ménages soit excessive au regard des capacités de production de l’économie : c’est bien ce déséquilibre qui fait augmenter les prix. Rappelons que le taux des crédits immobiliers, par exemple, ne fait aujourd’hui que retrouver son niveau d’il y a 10 ans. Cela entraîne une normalisation du volume des crédits qui était exceptionnellement haut ces dernières années. »

 

Un retour à ces 2 % d’inflation n’interviendra pas avant fin 2024, selon les premières analyses. Vous partagez cette échéance ?

« L’inflation est réapparue il y a 18 mois, et était alors liée aux problèmes d’approvisionnement post-Covid, redoublés ensuite avec la crise énergétique du fait de l’invasion russe en Ukraine. Cette inflation dite importée s’est ensuite diffusée à l’ensemble de l’économie, y compris les services et les biens industriels. Le point haut a été atteint à l’automne 2022, avec une inflation en zone euro à plus de 10 %, redescendue à 7% aujourd’hui. Mais c'est bien sûr encore trop ; l’inflation en France va baisser d’ici la fin de l’année : il faut en particulier que les prix alimentaires ralentissent, dans les nouvelles négociations que Bruno Le Maire a heureusement demandées aux industriels et aux distributeurs. Puis le taux d’inflation reviendra vers 2 % d’ici 2025 au plus tard. Ces deux ans sont le délai normal de transmission de la politique monétaire, autrement dit le temps nécessaire pour que le remède soit efficace. »

 

L’augmentation des taux d’intérêt, c’est aussi plus de rémunérations des livrets, et donc plus d’épargne ?

« La rémunération des livrets A a fortement augmenté, de 0,5% il y a dix- huit mois à 3 % désormais. Les épargnants y placent effectivement des montants record. Mais le LEP (Livret d'épargne populaire) , rémunéré lui à 6,1 %, est un produit encore meilleur pour se protéger de l’inflation : or, près de la moitié des 19 millions de Français ayant droit au LEP n’ont pas encore utilisé ce droit !  »

 

Le système bancaire mondial a subi un coup de chaud en mars dernier avec la faillite de la Sillicon Valley Bank : l’orage, et la menace d’une crise financière majeure semblent passés ?

« Ces banques américaines moyennes n’avaient pas appliqué les règles de sécurité bancaires dites de Bâle 3, décidées après la crise des subprimes. A l’inverse, les banques européennes et françaises sont bien protégées. »