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France 2 : « Redresser nos finances publiques est une condition majeure pour le retour de la confiance et donc de la croissance »
Intervenant
François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France
Mise en ligne le 9 Janvier 2025
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, était l’invité d’Anne-Sophie Lapix au journal télévisé de 20h de France 2 le 8 janvier 2025.
Redresser nos finances publiques est une condition majeure pour le retour de la croissance
Anne-Sophie LAPIX
Nous accueillons le gouverneur de la Banque de France, François VILLEROY DE GALHAU, bonsoir. Alors la France n'est pas la Grèce, on le dit souvent, mais avec une dette de 3 228 milliards d'euros. On atteint un niveau d'alerte maximal. Qu'est-ce qu'on risque avec un tel niveau de dette ?
François VILLEROY DE GALHAU
La France n'est heureusement et évidemment pas la Grèce. Mais notre pays a un problème sérieux de finances publiques. La différence, c'est que nous avons la solution si nous agissons maintenant, dès à présent. La leçon de la Grèce, c'est que quand il est trop tard, lorsque la crise arrive, il n'y a plus d’autre choix que de se soumettre au FMI et de prendre la potion amère, comme on le voyait dans le reportage, ou la thérapie de choc. Je ne veux pas cela pour mon pays et je crois qu'aucun d'entre nous ne le veut. Il faut prendre au sérieux ce problème, mais nous en avons aussi la solution.
Anne-Sophie LAPIX
Justement, on va parler de la solution. Le nouveau Gouvernement BAYROU, et plus exactement le ministre de l'Économie Éric LOMBARD a expliqué que les efforts seraient plutôt de 50 milliards. Michel BARNIER parlait, à l'époque, au mois dernier de 60 milliards. Ça ferait un déficit qui serait d'à peu près 5,4 % du PIB. Est-ce que c'est un effort suffisant?
François VILLEROY DE GALHAU
Tout d'abord, sur le sérieux du problème, il faut que nous soyons lucides. Cette dette est un problème pour nos enfants, à qui nous la transmettrons demain. Mais c'est déjà un problème pour nous, aujourd'hui, parce qu'elle nous coûte de plus en plus cher. Cet argent que nous devons consacrer à payer les intérêts de la dette, c'est autant d'argent que nous n'avons pas pour nos priorités d'avenir. Notre liberté de choix pour l'école, pour le climat, pour la défense, est déjà restreinte.
La solution, c’est un effort juste et partagé, et je crois qu'il faut sur le chemin deux balises. Nous partons d'un déficit un peu supérieur à 6 % en 2024. C'est malheureusement le déficit le plus élevé d'Europe. La première balise, c'est pour cette année : il faut ramener le déficit le plus proche possible de 5 %. Les chiffres ne sont pas encore décidés, mais clairement en dessous de 5,5 %, et c'est possible. Il y a une deuxième balise qui est à moyen terme, d'ici 2029 : dans quatre ans, il faut ramener ce déficit à 3 %. Pourquoi ? Ce sont nos engagements européens, mais 3 %, c'est aussi le niveau de déficit qui nous permettra enfin de stabiliser le poids de cette dette par rapport au PIB, par rapport à notre économie
Anne-Sophie LAPIX
C’est crédible d’arriver à ce niveau-là ?
François VILLEROY DE GALHAU
C'est tout à fait possible si nous agissons. Alors comment agir ? Le redressement, il suppose le bon cocktail de mesures d'économies sur les dépenses principalement, puis à titre complémentaire de certaines hausses d'impôt ciblées. Pourquoi parler d'abord des dépenses ? Parce que quand on compare la France à nos voisins européens, qui ont un peu le même modèle de société que nous, nous dépensons beaucoup plus que nos voisins. Nous pouvons avoir des dépenses mieux maîtrisées, plus efficaces. C'est vrai pour l'Etat, mais aussi pour les collectivités locales et les prestations sociales.
Anne-Sophie LAPIX
On a l'impression quand même que c'est un cercle vicieux. Il faut faire des économies et augmenter donc dans de moindres façons les impôts pour réduire le déficit. Mais est-ce que ça ne risque pas de casser la croissance ?
François VILLEROY DE GALHAU
C'est une question très importante et il n'y a pas aujourd'hui de cercle vicieux. Je veux dire une conviction très forte : le redressement budgétaire ne pénalisera pas la croissance, au contraire. Dans la situation où nous sommes aujourd’hui, l’inquiétude sur la dette, qui existe chez les Français, entraîne un attentisme. Les entrepreneurs diffèrent leurs investissements, et les ménages diffèrent leur consommation.
Anne-Sophie LAPIX
C'est à cause de cela que vous avez baissé votre prévision de croissance à 0,9% au lieu de 1,2% ?
François VILLEROY DE GALHAU
Il y a aussi d'autres causes d'incertitude. Mais aujourd'hui, l'incertitude est le premier ennemi de la croissance. Traiter cette inquiétude, redresser nos finances publiques, est une condition majeure pour faire revenir la confiance et donc la croissance. Nous avons eu une performance de croissance, en 2024, qui n'est pas si mauvaise pour la France, 1,1 %. Et nous ne prévoyons pas de récession en 2025.
Anne-Sophie LAPIX
Vous avez réussi à lutter contre l'inflation. Elle était de 1,8 % en 2024. Elle sera de combien en 2025 ?
François VILLEROY DE GALHAU
L'inflation, qui était la maladie aiguë de l'économie française, est en voie vraiment de guérison. Nous sommes redescendus en France nettement sous 2 % d'inflation. Nous sommes d'ailleurs plus bas que la moyenne européenne. En 2025, nous prévoyons que nous resterons nettement sous 2%, plutôt autour de 1,5%. Ceci entraîne deux conséquences positives. La première, c'est du pouvoir d'achat, parce que maintenant, les salaires augmentent plus que les prix. Et la seconde, c'est la baisse des taux d'intérêt.
Anne-Sophie LAPIX
Qui seront de combien pour les emprunts immobiliers par exemple ?
François VILLEROY DE GALHAU
Il y a les taux d'intérêt que nous fixons, nous, banques centrales, ils étaient à 4 %, nous les avons descendus à 3% et nous allons continuer la baisse. Mais pour les emprunts immobiliers, je le dis ce soir, nous allons publier les chiffres de taux sur le mois de novembre, les derniers que nous connaissons. En moyenne, les crédits immobiliers en France, qui étaient à plus de 4 % il y a un an, en janvier 2024, sont tombés en novembre 2024 en dessous de 3,4 %. Vous voyez, c'est une baisse forte. Et d'ailleurs, les Français recommencent à emprunter. C'est une bonne nouvelle pour un redémarrage progressif de l'immobilier.
Anne-Sophie LAPIX
Merci beaucoup François VILLEROY DE GALHAU d'être venu dans le 20 h.
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Mise à jour le 9 Janvier 2025