Déclaration du Conseil des gouverneurs de la BCE sur les progrès vers l’Union des marchés de capitaux

De solides raisons de soutenir et de renforcer l’Union des marchés de capitaux 

Pour l’Eurosystème, parvenir à un marché unique des capitaux est impératif. Il est essentiel de réaliser des avancées sur le programme pour l’UMC, auquel on pourrait donner un nouveau nom plus axé sur son objectif, et ce pour cinq raisons.

Premièrement, nous avons besoin d’une union pour l’épargne et pour l’investissement durable : il est essentiel d’utiliser pleinement les marchés de capitaux européens pour mobiliser les investissements privés massifs qui sont nécessaires pour mener à bien les transitions écologique et numérique, et pour renforcer la productivité et la compétitivité de l’UE dans un paysage géopolitique en évolution. Ces investissements, à leur tour, augmenteront la capacité d’offre de la zone euro et soutiendront la stabilité des prix à moyen terme.
 
Deuxièmement, nous avons besoin qu’un plus grand nombre d’entreprises européennes innovantes émergent, se développent et déploient leur plein potentiel, ce qui renforcerait encore la diffusion de la technologie et la croissance de la productivité. Cela nécessite des marchés de capitaux plus profonds et plus intégrés afin d’améliorer la qualité des investissements en Europe et de permettre à ces entreprises d’accéder au financement par capital-risque et par fonds propres dans l’UE, plutôt que de recourir à des investissements étrangers. En particulier, les fonds européens de capital-risque restent sous-développés.

Troisièmement, les progrès vers l’UMC amélioreraient le partage du risque privé dans la zone euro, contribuant à stabiliser la croissance lorsque les pays sont frappés par des chocs locaux auxquels la politique monétaire ne peut pas répondre. Un système financier plus intégré et plus diversifié permettrait également d’atténuer la fragmentation financière et de préserver la transmission de la politique monétaire à l’ensemble de la zone euro.
 
Quatrièmement, un marché des capitaux à l’échelle du continent européen renforcerait le rôle international de l’euro, car il est essentiel que les marchés financiers soient profonds et liquides pour permettre à une monnaie d’acquérir un statut international. De cette manière, les progrès sur l’UMC renforcent l’ambition de l’UE en matière d’autonomie stratégique ouverte et contribuent à protéger l’Europe d’un environnement mondial plus volatil.

Cinquièmement, l’intégration des marchés de capitaux devrait également contribuer à intégrer le secteur bancaire de l’UE. Le secteur bénéficierait de davantage d’activités de services financiers transfrontières et d’une base d’investisseurs plus étendue pour les instruments de financement des marchés de capitaux. Tout cela renforcerait la résilience des banques européennes et contribuerait à réduire les obstacles qui persistent au sein de l’union bancaire.
 
Les initiatives clés du plan d’action pour l’UMC à réaliser en priorité

Par conséquent, l’Eurosystème accueille favorablement la mise en œuvre du deuxième plan d’action pour l’UMC de la Commission dans le cadre du cycle institutionnel en cours, ainsi que l’intention de l’Eurogroupe de publier une déclaration sur l’avenir de l’UMC qui donnera des orientations pour la poursuite du développement de l’UMC au cours de la prochaine législature européenne.

Il est clair que l’UE doit aller au-delà des grandes déclarations et d’une approche fragmentaire de l’UMC pour adopter une approche descendante (top-down), y compris des actions concrètes visant à favoriser l’intégration et le développement des marchés de capitaux au niveau européen. Une véritable volonté politique, l’ambition et le suivi seront des éléments essentiels. L’Eurosystème considère qu’un certain nombre de priorités spécifiques sont fondamentales.

Premièrement, il est nécessaire de réaliser de nouveaux progrès au niveau de l’UE sur des dossiers ouverts complexes : 

  • Garantir que le marché de la titrisation de l’UE puisse jouer un rôle dans le transfert des risques en dehors des banques afin de leur permettre de fournir davantage de financement à l’économie réelle, tout en créant des opportunités pour les investisseurs sur les marchés de capitaux. Cela nécessite de comprendre les facteurs d’offre et de demande pertinents pour le développement du marché de la titrisation, y compris a) réviser le traitement prudentiel de la titrisation pour les banques et les sociétés d’assurance et les exigences en matière de déclaration et de diligence appropriée, tout en tenant compte des normes internationales et b) examiner si des garanties publiques et une nouvelle normalisation via des émissions à l’échelle européenne pourraient soutenir des segments ciblés du marché de la titrisation, comme les titrisations vertes visant à soutenir la transition climatique.
  • Une supervision intégrée des marchés de capitaux de l’UE, notamment en garantissant que les autorités européennes de surveillance (en particulier l’AEMF et l’AEAPP) disposent d’une gouvernance européenne et indépendante, de ressources suffisantes et de pouvoirs de surveillance étendus, et qu’elles supervisent directement les acteurs transfrontières les plus systémiques sur les marchés de capitaux – en coopération avec leurs autorités de surveillance nationales.
  • Une harmonisation ciblée des règles relatives à l’insolvabilité des entreprises, des cadres comptables et de la législation sur les titres.
  • Dans le domaine du post-marché, finaliser l’harmonisation du traitement des retenues à la source et des opérations de société et surmonter les barrières à l’intégration qui subsistent s’agissant des services de post-marché pour les titres, notamment la gestion des garanties.
  • Remédier au biais fiscal en faveur de la dette, dans la mesure où cela peut, entre autres raisons, faire obstacle à la recapitalisation des entreprises de l’UE et dissuader les investisseurs individuels d’investir en actions.

Deuxièmement, l’Eurosystème continuera de contribuer significativement à l’UMC dans le domaine des infrastructures de marchés financiers :

  • L’Eurosystème continuera d’explorer, en collaboration avec les acteurs des marchés financiers, l’utilisation potentielle des nouvelles technologies pour l’émission, la négociation et le règlement, encourageant la tokenisation ainsi qu’éventuellement un « registre unifié européen » (European unified ledger). Cela contribuera à promouvoir une union des marchés de capitaux numérique et renforcera ainsi l’efficacité des marchés financiers européens, tout en évitant une refragmentation des éléments ayant été harmonisés et intégrés.
  • L’Eurosystème soutiendra le développement et l’intégration d’infrastructures paneuropéennes pour les marchés financiers, afin de fournir aux marchés financiers européens un pool de liquidité unique en euros en monnaie de banque centrale garantissant la sécurité, l’efficacité et l’intégration au cœur du système, grâce à l’utilisation des services TARGET, ainsi que la mise en commun (pooling) des transactions financières pour les paiements, les titres et les garanties.
  • L’Eurosystème continuera de catalyser et de coordonner les efforts des marchés afin de mettre en œuvre un corpus réglementaire paneuropéen unique pour le règlement des titres et la gestion des garanties et de soutenir l’harmonisation des procédures d’émission de dette et la mise en application de ces procédures harmonisées, avec pour objectif de créer un véritable marché unique des titres en Europe.
  • Par ailleurs, l’Eurosystème soutiendra résolument et suivra les efforts du secteur visant à renforcer encore la capacité de compensation centrale au sein de l’UE.

Troisièmement, promouvoir l’attractivité de la cotation en bourse dans l’UE doit constituer une priorité afin d’accroître l’efficacité et la liquidité des marchés d’actions. L’UE pourrait ainsi bénéficier de mesures de soutien aux grands investisseurs institutionnels établis dans l’UE, tels que les gestionnaires d’actifs et les fonds de pension, ainsi que d’une infrastructure de négociation et de post négociation mieux intégrée grâce à l’harmonisation des exigences de cotation et à la consolidation des bourses et des infrastructures de marché.

Quatrièmement, les ménages et les citoyens doivent pouvoir profiter des avantages de l’UMC. À cet égard, les initiatives non législatives proposées en matière d’éducation financière demeurent importantes. Même si le plein effet des avantages de ces actions pourrait n’apparaître qu’à moyen ou long terme, les initiatives concernant les options ou les conseils en matière d’épargne retraite pourraient apporter des bénéfices plus rapides.
 
Enfin, des actions plus ciblées pourraient également contribuer à faire progresser l’UMC : l’Eurosystème se félicite de l’accord législatif portant sur la mise en place d’un point d’accès unique européen (European Single Access Point, ESAP) et attend avec intérêt sa mise en œuvre rapide. L’ESAP facilitera l’accès des investisseurs et des épargnants aux informations et améliorera ainsi l’accès des entreprises au financement.

Même si nombre de ces initiatives prendront du temps et si l’Union des marchés des capitaux demeure un projet à long terme, des mesures urgentes et décisives sont à présent nécessaires pour réaliser de réels progrès en matière d’intégration et de développement des marchés de capitaux de l’UE. Il n’y a plus de mesures faciles à prendre dans ce domaine et l’UE doit à présent s’attaquer aux défis les plus importants et les plus structurels.

Cela devrait s’accompagner de nouveaux efforts pour supprimer les barrières au sein du Marché unique, de politiques qui soutiennent la restructuration nécessaire de nos économies et de projets qui encouragent l’innovation européenne afin d’offrir des possibilités d’utilisations productives de ce financement.
 

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