Compte rendu de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la BCE des 11 et 12 décembre 2024

Compte rendu de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne qui s’est tenue à Francfort-sur-le-Main le mercredi 11 et le jeudi 12 décembre 2024.

Mise en ligne le 16 Janvier 2025

Examen des évolutions financières, économiques et monétaires et des options possibles de politique monétaire

Évolutions sur les marchés financiers

Mme Schnabel note que depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs des 16 et 17 octobre 2024, le narratif sur les marchés financiers a évolué en raison de la montée de l’incertitude relative à la politique commerciale et économique. Les investisseurs se sont de plus en plus concentrés sur la divergence des perspectives de croissance entre la zone euro et les États-Unis. Cela s’est traduit par une divergence des évolutions des rendements obligataires et des prix des actions entre la zone euro et les États-Unis, ainsi que par un affaiblissement prononcé de l’euro vis-à-vis du dollar américain. Si les perspectives d’inflation à court terme de la zone euro intégrées dans les prix de marché se sont déplacées vers le haut, la compensation de l’inflation a diminué sur des horizons à plus long terme. Cette évolution a incité les investisseurs à s’attendre à une anticipation des baisses de taux directeurs de la BCE et à un taux terminal plus bas. En raison de ces anticipations relatives au cycle de réduction des taux, conjuguées à l’affaiblissement du taux de change de l’euro vis-à-vis du dollar américain et à des constellations toujours favorables de prix des actifs risqués, les conditions financières ont continué de s’assouplir.

Deux facteurs clés ont déterminé les évolutions sur les marchés financiers de la zone euro entre les deux réunions: l’élection présidentielle aux États-Unis et la montée de l’incertitude relative à la politique économique dans les deux plus grandes économies de la zone euro. Toutefois, jusqu’à présent, l’accentuation de l’incertitude macroéconomique ne s’est pas traduite par une volatilité accrue sur les marchés financiers. Au contraire, la volatilité sur les marchés a diminué depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs. Toutefois, même dans un environnement de conditions généralement favorables sur les marchés financiers, une plus grande incertitude économique et politique pourrait avoir des implications sur le climat économique, avec des répercussions sur les prix des actifs. La faiblesse de l’indice des directeurs d’achat (PMI) pour la zone euro en novembre 2024 en est un bon exemple. Dans un premier temps, après la réunion de politique monétaire d’octobre du Conseil des gouverneurs, les données macroéconomiques ont systématiquement surpris à la hausse, tant aux États-Unis que dans la zone euro. Toutefois, l’indice des directeurs d’achat de novembre pour la zone euro – qui s’appuyait sur une enquête réalisée après les élections présidentielles aux États-Unis en novembre – a déçu, ramenant l’indice Citigroup de surprise économique en territoire négatif. Dans le même temps, l’indice équivalent pour les États-Unis est resté fermement en territoire positif. 

L’incertitude croissante et les données macroéconomiques divergentes se sont traduites par une forte divergence des anticipations relatives à la politique monétaire. Dans la zone euro, la courbe à terme des taux OIS s’est déplacée vers le bas par rapport aux anticipations constatées au moment de la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs. Les marchés s’attendent actuellement à une nouvelle anticipation des baisses de taux et le taux terminal attendu s’est inscrit en baisse, revenant à 1,66 % après 1,84 % au moment de la réunion d’octobre. Les participants à la campagne d’enquête de la BCE réalisée en décembre auprès des analystes monétaires (Survey of Monetary Analysts, SMA) s’attendent également à une anticipation de réduction des taux, mais ils n’ont pas abaissé leurs anticipations relatives au taux terminal par rapport à la campagne d’enquête d’octobre. 
 En revanche, la courbe des contrats à terme sur les fonds fédéraux américains a évolué dans la direction opposée, les investisseurs ayant revu à la baisse les anticipations de nouvelles baisses des taux d’intérêt par le Système fédéral de réserve. Si, pendant la majeure partie de 2024, les investisseurs mondiaux s’attendaient à un cycle d’assouplissement globalement synchronisé entre les économies, la situation a fortement évolué, portant l’écart entre les taux terminaux attendus de la BCE et du Système fédéral de réserve à près de 200 points de base. 

La divergence des taux sans risque entre la zone euro et les États-Unis est visible sur l’ensemble des échéances. Une décomposition des taux OIS dans la zone euro et aux États-Unis en variations de la compensation de l’inflation et des taux réels a montré que le principal déterminant était une divergence des taux réels.

La perception de risques à la baisse accrus pesant sur la croissance économique n’a pas exercé de pression baissière sur les anticipations d’inflation à court terme, comme le reflètent les inflation fixings (contrats de swap liés à des publications mensuelles spécifiques de la variation annuelle de l’IPCH hors tabac de la zone euro). Les inflation fixings les plus récents se sont déplacés nettement vers le haut, inversant en partie la baisse précédente, et sont actuellement proches de 2 %, convergeant avec la trajectoire d’inflation implicite dans les projections de décembre établies par les services de l’Eurosystème. À plus long terme, la compensation de l’inflation à cinq ans dans cinq ans a poursuivi son recul et s’établit actuellement à 2 %. Selon les éléments tirés des prix des options, les risques pesant sur l’inflation sont globalement équilibrés. 

S’agissant des évolutions sur le marché des changes, la forte divergence des taux d’intérêt a été le principal déterminant du taux de change EUR/USD. La réévaluation des anticipations relatives à la politique monétaire de la BCE a entraîné une baisse des taux sans risque des OIS, qui s’est transmise aux marchés des obligations souveraines de la zone euro. Les rendements des obligations souveraines ont diminué dans l’ensemble des pays de la zone euro depuis la réunion d’octobre du Conseil des gouverneurs. Dans le même temps, plusieurs emprunteurs souverains de la zone euro ont constaté une augmentation des écarts entre leurs rendements obligataires et les taux OIS. Cela reflète principalement l’atténuation de la pénurie d’obligations souveraines, sous l’effet de la réduction des obligations détenues par l’Eurosystème à des fins de politique monétaire ainsi que des perspectives d’augmentation des émissions nettes. 

Récemment, les facteurs structurels qui ont influencé les écarts de rendement des swaps sur actifs ont également façonné la dynamique sur le marché repo. Avec la réduction du bilan de l’Eurosystème et la diminution de l’excédent de liquidité, le marché repo s’est orienté vers un régime d’abondance de garanties, une tendance qui devrait persister en 2025. L’augmentation de la disponibilité des garanties a contribué à la convergence des taux repo vers le taux de la facilité de dépôt dans l’ensemble des juridictions.

La perception par les marchés de trajectoires de croissance divergentes s’est également reflétée sur les marchés des actions. Si les actions américaines ont atteint de nouveaux points hauts historiques, les prix des actions de la zone euro sont temporairement revenus à des niveaux proches de début 2024, avant de se redresser progressivement à partir de début décembre. La meilleure performance des marchés d’actions aux États-Unis est liée en particulier aux secteurs qui devraient tirer le plus grand bénéfice de la nouvelle administration américaine. Les primes de risque plus élevées dans la zone euro, conjuguées à une nouvelle baisse des primes de risque aux États-Unis, ont contribué à un écart de valorisation sans précédent entre les marchés d’actions aux États-Unis et dans la zone euro. 

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Mise à jour le 16 Janvier 2025