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Présentation du rapport d'activité de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour 2015

Mesdames, Messieurs,

J’ai le plaisir de vous accueillir aujourd’hui pour cette conférence de presse de présentation du sixième rapport d’activité de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, l’ACPR et, pour moi, c’est la première fois.

L’ACPR a su, au cours de ces dernières années, s’adapter et se restructurer constamment afin de répondre aux multiples évolutions qu’a connues l’exercice de son rôle de superviseur. Adossée à la Banque de France qui lui fournit notamment ses 1 065 agents, l’Autorité est garante de la stabilité du système financier français et de la protection de la clientèle.

J’aborderai successivement cinq points pour souligner :

  • l’évolution de la régulation internationale des secteurs de la banque et de l’assurance ;
  • le renforcement de la dimension européenne de la supervision prudentielle ;
  • l’action de supervision en matière de protection de la clientèle et de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;
  • la stabilité financière dans une situation de taux historiquement bas ;
  • malgré ces défis, les résultats très satisfaisants des établissements bancaires en 2015, confortant ainsi encore davantage leur situation de solvabilité.

Bernard Delas, vice-président de l’ACPR, vous commentera par la suite l’actualité prudentielle du secteur de l’assurance. Enfin, Rémi Bouchez présentera l’activité de la Commission des sanctions.

I – En 2015, l’ACPR a été activement engagée dans l’évolution de la régulation internationale des secteurs de la banque et de l’assurance

Les équipes de l’ACPR sont impliquées dans tous les groupes de travail internationaux qui préparent les évolutions de la régulation bancaire, que ce soit dans le cadre du Comité de Bâle ou celui de l’Autorité bancaire européenne (ABE).

Au niveau bâlois, l’enjeu est – après les études d’impact qui ont beaucoup occupé 2015 et se poursuivent en ce début d’année – d’achever la réforme dite de Bâle 3 d’ici la fin de l’année 2016 tout en veillant à la stabilisation du niveau global des exigences réglementaires. Le travail de renforcement de la régulation mené depuis la crise a été considérable mais il était indispensable et n’a pas pesé sur la croissance. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’augmenter encore significativement les exigences globales en capital imposées au système bancaire, il n’y a pas de « chantier » Bâle 4 à ouvrir, mais de finaliser le chantier des réformes post-crise : le G20 l’a redit à Washington en avril, le Comité de Bâle doit le faire.

Le G20 a aussi publié en novembre 2015 les modalités finales de l’exigence de capacité d’absorption des pertes (TLAC - Total Loss Absorbing Capacity). En cas de crise bancaire, les autorités de résolution pourront mobiliser des passifs répondant à des critères précis pour absorber les pertes et reconstituer les fonds propres des banques d’importance systémique mondiale (G-SIB), tout en assurant la protection des déposants. C’est un élément important du dispositif post-crise.

Dans le domaine de l’assurance, l’ACPR joue un rôle tout aussi actif, notamment avec la mise en oeuvre de la directive « Solvabilité II », entrée en application depuis le 1er janvier dernier, Bernard Delas reviendra sur ce point tout à l’heure.

Concernant la protection de la clientèle, l’ACPR a contribué aux travaux de l’ABE portant sur des orientations relatives au crédit hypothécaire. D’importants travaux ont également été menés sur l’harmonisation en matière de gouvernance des produits offerts à la clientèle par les secteurs de la banque et de l’assurance.

II – L’Autorité a pleinement pris part au renforcement de la dimension européenne de la supervision prudentielle

Dans le domaine bancaire, les travaux de contrôle ont bien évidemment été fortement orientés par la mise en oeuvre opérationnelle du Mécanisme de Supervision Unique (MSU). Il s’est agi, pour nous d’être un acteur central dans la nouvelle organisation européenne du contrôle, avec une dimension plus transversale par rapport à ce qui existait avant le MSU. Après son lancement le 4 novembre 2014, l’année 2015 a été la première année complète de fonctionnement du MSU et des équipes conjointes de contrôle (Joint Supervisory Teams – JST), composées de personnels issus de la Banque centrale européenne et des autorités nationales compétentes. Une JST a été mise en place pour chacun des 123 groupes bancaires significatifs. Ces équipes, dirigées par un coordinateur BCE et un sous-coordinateur au sein de l’autorité nationale concernée, ont réalisé en 2015 la première revue exhaustive et harmonisée des risques de ces groupes selon une méthodologie commune, dite «SREP » (Supervisory Review and Evaluation Process) ; une charge de travail considérable pour l’ensemble des JST, qui a été remplie avec succès. En 2016, ces évaluations vont être renouvelées et elles intègreront notamment les tests de résistance en cours et mis en oeuvre par l’ABE et la BCE, en collaboration avec les autorités nationales.

L’année dernière, le MSU a également procédé à des analyses thématiques transversales avec l’objectif d’accroître la comparabilité et la convergence des approches. Trois aspects principaux ont été couverts : l’appréciation du risque de gouvernance, les activités à effet de levier, ainsi que les risques liés à la cyber-sécurité des établissements. La convergence, elle est aussi renforcée par la revue réalisée de plus de 120 options et discrétions nationales en matière de réglementation. Des mesures d’harmonisation entreront en vigueur courant 2016 afin d’assurer progressivement une mise en oeuvre cohérente de CRD4 à l’ensemble de la zone euro. Le premier pilier de l’Union bancaire – la supervision – est d’ores et déjà une réussite.

L’année 2015 aura également été très fortement marquée par la thématique de la résolution – le second pilier – notamment avec la transposition en droit français de la directive sur le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, dite « BRRD ». Par ailleurs, au niveau européen, le Mécanisme de résolution unique (MRU) s’est graduellement mis en place, et son instance de décision, le Conseil de résolution unique (CRU) est pleinement entrée en fonction le 1er janvier dernier. Il est souhaitable qu’il soit pleinement partie prenante de l’Union bancaire, qui doit aligner Bruxelles – où est le MRU – et Francfort – où est le MSU.

III – L’ACPR a également renforcé son action de supervision en matière de protection de la clientèle et de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

L’ACPR a pour mission de veiller à la protection de la clientèle en matière de produits bancaires ou d’assurance, ceci est une responsabilité pleinement nationale. En 2015, l’ACPR a ainsi traité plus de 7 300 demandes et réclamations, un nombre en très forte augmentation par rapport à 2014 (+31%). À ce titre, l’ACPR est tout particulièrement vigilante à la bonne application de la loi dite « loi Eckert » relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence : elle a, sur ce sujet, publié le 2 mai le rapport prévu par le Parlement qui a montré de gros progrès.

C’est avec cette même vigilance, mais également avec un grand intérêt, que l’ACPR aborde le fort développement actuel des « Fintech ». La mise en place, au sein de l’ACPR, d’un(e) responsable Fintech innovation qui travaillera en étroite coopération avec l’AMF fait partie de cette ambition.

Notre souci permanent du respect de la réglementation en vigueur est également, et plus que jamais, présent dans l’action de l’ACPR en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). La place financière, banques et assurances, est mobilisée mais c’est un domaine d’exemplarité d’importance majeure et chaque acteur doit garder à l’esprit que les obligations et diligences dans ce domaine ne peuvent qu’être amenées à croître.

De plus, tous les acteurs sont vivement encouragés à établir une déclaration de soupçon auprès de Tracfin dès qu’un doute survient. En parallèle, l’ACPR a mené des actions de contrôle permanent sur la base d’un questionnaire et nos missions de contrôle sur place (22 en 2015 et plusieurs dizaines en 2016, y compris en intégrant les informations post « Panama Papers »). Nous le faisons en coopération de plus en plus étroite avec les autorités de supervision étrangères, et nous accueillons favorablement bien-sûr tout ce qui renforcera, clarifiera, sécurisera le cadre de cette coopération. Si dans le cadre de nos enquêtes des manquements sont relevés, des sanctions (5 en 2015) sont prononcées. Rémi Bouchez reviendra tout à l’heure sur ce point.

IV – Le contexte macroéconomique, caractérisé par une situation de taux historiquement bas, fait l’objet d’une attention particulière de l’ACPR dans le but de préserver la stabilité financière

Le contexte économique particulier lié à la situation, inédite en France et en Europe, de taux bas est un élément important de la politique monétaire pour soutenir l’activité économique, faciliter la distribution du crédit dans des conditions favorables (+ 4 % sur les encours à fin mars) et ainsi améliorer la situation des agents non financiers.

À cet égard, je tiens à souligner que la politique monétaire de l’Eurosystème a eu globalement, en 2015, un impact positif sur la rentabilité et à la solvabilité des banques de la zone euro. La baisse des taux courts et l’aplatissement de la courbe des taux ont réduit la marge nette d’intérêt des banques, mais l’accroissement des volumes de crédit vient partiellement compenser le premier effet ; la baisse des taux améliore la solvabilité et la qualité de crédit des emprunteurs, ce qui se traduit par une baisse du coût du risque. Les banques bénéficient enfin d’une réduction du coût de leurs émissions de dette, via notamment le TLTRO.

Mais, il est vrai aussi que les taux bas prolongés peuvent affecter la rentabilité des secteurs bancaire et assurantiel.

C’est donc un point d’attention avec aussi une interrogation vis-à-vis des exigences des investisseurs en ce qui concerne le rendement des capitaux engagés, qui devraient être révisées à la baisse dans ce nouvel environnement de taux sans risque plus bas. Face à ce risque, l’ACPR suit tout particulièrement les modèles d’affaires les plus exposés. Dans le secteur de l’assurance, le contexte de taux bas conduit à une situation où les rendements des titres entrant en portefeuille sont inférieurs aux taux servis sur leurs polices d’assurance vie. J’appelle donc de nouveau les organismes à la prudence dans la fixation des taux de revalorisation de leurs contrats d’assurance vie.

En outre, j’encourage les pouvoirs publics et les professionnels à poursuivre leur réflexion en matière de réorientation de l’épargne, notamment via le développement de nouveaux produits d’épargne de long terme, répondant à la fois à l’environnement de taux bas et aux besoins de long terme des ménages (retraites). Ces nouveaux produits d’épargne pourraient être moins liquides, assortis probablement d’une protection en capital sur le long terme : ils permettraient aux ménages de bénéficier du meilleur rendement des actions sur la durée, tout en favorisant le financement de l’investissement des entreprises. Pour permettre leur développement, il conviendrait, à tout le moins, d’éviter des distorsions fiscales au détriment de ces produits par rapport à l’épargne liquide et sans risque.

V – Malgré ces difficultés et les défis qui attendent les établissements, ceux-ci ont réalisé des résultats très satisfaisants en 2015, confortant ainsi encore davantage leur situation de solvabilité

Le produit net bancaire (PNB) des six plus grands groupes bancaires ressort en hausse de 5,1%, au niveau consolidé, entre 2014 et 2015. On note en particulier la résilience de la banque de détail, soutenue par la reprise progressive de la demande de crédits, notamment à l’habitat et à la consommation pour les ménages, et de crédits à l’équipement pour les entreprises. Les activités de banque de financement et d’investissement (BFI) et de financements spécialisés ont également réalisé un bon exercice en 2015. Le résultat net part du groupe (RNPG) de ces six grandes banques atteint 23,7 milliards d’euros en 2015 (soit +65,9 % et +9,4 milliards d’euros par rapport à 2014). Toutefois, l’année 2014 avait été marquée par des charges exceptionnelles de forte ampleur. Une fois retraité ces éléments exceptionnels, le RNPG ressort néanmoins en hausse de 8%.

Ces bonnes performances permettent aux établissements d’affecter une part substantielle de ces résultats au renforcement de leurs fonds propres. On observe ainsi une amélioration des ratios de solvabilité Common equity tier 1 (CET1) « full CRD4 ». Le ratio de solvabilité agrégé de ces six groupes bancaires atteint donc 12,6 % à fin 2015, soit bien au-delà des exigences règlementaires et a plus que doublé par rapport à 2008. Les fonds propres « durs » (CET1) des banques françaises ont doublé entre décembre 2008 et décembre 2015, passant de 132 à 275 milliards d’euros. Leur ratio de liquidité est supérieur à 100 % pour chaque groupe avec trois ans d’avance sur l’échéance réglementaire de 2018. Le système bancaire est aujourd’hui solide, parmi les plus solides d’Europe et des économies avancées : nous l’avons, avec le ministre des Finances redit au G7 de Shanghai ce week-end. Ceci vaut aussi pour le marché de l’assurance.

C’est donc avec confiance et détermination que nous abordons cette année 2016 qui sera, comme les précédentes, riche d’enjeux et d’évolutions. Au regard de ce que les établissements et les organismes ont su relever comme défis au cours de ces dernières années, je ne doute pas qu’ils sauront également bien aborder ces nouvelles échéances. Quant aux agents de l’ACPR, sachez qu’ils sauront rester mobilisés pour les accompagner dans ces transformations. J’ai toute confiance en leur dynamisme, leur expertise et leur professionnalisme pour la conduite de ces évolutions.

Je cède maintenant la parole à Bernard Delas, vice-président de l’ACPR.

Je vous remercie de votre attention.

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SpeechFrançois VILLEROY DE GALHAU, Gouverneur de la Banque de France
Présentation du rapport d'activité de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour 2015
  • Published on 05/23/2016
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