Réunion des 7 et 8 septembre 2022

Compte rendu de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne qui s’est tenue à Francfort-sur-le-Main le mercredi 7 et le jeudi 8 septembre 2022

1. Examen des évolutions financières, économiques et monétaires et des options possibles

Évolutions sur les marchés financiers

Mme Schnabel a commencé par souligner que le narratif sur les marchés financiers avait évolué depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs en juillet. Initialement, les prix mondiaux des actifs étaient dominés par les craintes de récession, et les conditions financières s’étaient assouplies dans l’anticipation d’un ralentissement du rythme de relèvement des taux d’intérêt par les banques centrales dans le monde entier, une récession étant perçue comme contribuant en partie à ramener l’inflation vers son niveau cible. Plus récemment, toutefois, les préoccupations des investisseurs se sont progressivement reportées sur un scénario de resserrement de l’orientation de politique monétaire, les chiffres de l’inflation continuant à être plus élevés que prévu.

Ce contexte appelle quatre observations principales. Premièrement, la volatilité sur les marchés de taux d’intérêt demeure à des niveaux historiquement élevés, reflétant une très forte incertitude au sujet de l’inflation, ainsi qu’une dépendance accrue de la politique monétaire aux données. Deuxièmement, la normalisation de la politique monétaire dans la zone euro devrait désormais se produire à un rythme beaucoup plus soutenu que prévu au moment de la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs. Troisièmement, la hausse des cours des actifs risqués observée cet été s’est interrompue et s’est partiellement inversée sous l’effet de la réévaluation par les investisseurs de la trajectoire future de la politique monétaire. Enfin, la sensibilité des écarts de rendement des obligations souveraines de la zone euro aux anticipations relatives aux taux directeurs reste nettement plus faible qu’avant la réunion ad hoc du Conseil des gouverneurs, le 15 juin 2022.

La volatilité des marchés mondiaux de taux d’intérêt et de devises demeure élevée. La volatilité accrue des marchés de taux d’intérêt résulte principalement de l’incertitude entourant l’évolution future de l’inflation et de l’approche « réunion par réunion » désormais privilégiée dans la conduite de la politique monétaire, approche qui a accru la dépendance aux données.

S’agissant de la modification des anticipations relatives aux taux directeurs, les marchés ont réévalué à la fois l’ampleur et le rythme de normalisation de la politique monétaire. Après avoir atteint un point bas fin juillet, le « taux terminal » (niveau auquel les intervenants de marché prévoient que le taux d’intérêt directeur atteindra un pic) a fortement rebondi pour s’établir aujourd’hui à un niveau proche du point haut observé mi-juin. La vitesse attendue de progression vers ce taux terminal a également augmenté, les investisseurs anticipant un cycle de resserrement moins progressif.

La trajectoire plus abrupte attendue de la politique monétaire reflète en partie le fait que les investisseurs attribuent une probabilité croissante à un scénario d’inflation plus élevée pendant plus longtemps. Les investisseurs prévoient à présent que l’inflation atteindra un point haut en décembre, plutôt qu’en septembre, comme cela avait été anticipé au moment de la réunion de juillet. Les marchés d’options vont également dans le sens d’un accroissement des risques à la hausse pour l’inflation, les investisseurs intégrant actuellement dans leurs prix une probabilité de 15 % environ que l’inflation sera, en moyenne, supérieure à 4 % au cours des cinq prochaines années. En outre, certaines mesures de la compensation de l’inflation à long terme ont recommencé à augmenter.

Dans la zone euro, avec la dernière hausse sur la partie courte des taux des swaps indexés sur l’inflation, les taux à court terme réels devraient rester très accommodants pendant un certain temps encore. Ces évolutions contrastent fortement avec celles observées aux États-Unis, où, d’après les estimations extraites des instruments de marché, les taux comparables devraient se situer en territoire restrictif en 2023.

Mme Schnabel a ensuite expliqué comment la réévaluation des anticipations de politique monétaire s’était transmise aux marchés financiers au sens plus large. Les prix des actions ont sensiblement augmenté au cours de l’été, en dépit de la détérioration des perspectives de croissance, mais ont commencé à diminuer durant la seconde quinzaine d’août en raison de la préoccupation croissante concernant l’inflation – et la hausse associée des taux d’actualisation – ainsi que d’une dégradation des anticipations de croissance des bénéfices des entreprises. Cependant, la baisse des prix des actifs risqués a été partiellement contrebalancée par une amélioration du sentiment des investisseurs, ces derniers exigeant à présent une compensation moindre pour la détention d’actifs risqués au lieu d’obligations sans risque. Dans l’ensemble, les marchés boursiers américains sont en léger recul, tandis que les marchés de la zone euro sont nettement au-dessous des niveaux observés au moment de la réunion du Conseil des gouverneurs de juillet. La forte hausse des prix européens de l’énergie, qui pèse sur le revenu disponible réel des ménages et sur les perspectives de bénéfices des entreprises, est un facteur essentiel de cette divergence.

Les prix élevés de l’énergie en Europe et l’accentuation des risques à la baisse qui entourent la croissance dans la zone euro par rapport aux États-Unis pèsent également sur le taux de change de l’euro, tout comme la divergence dans la trajectoire attendue du différentiel de taux directeurs entre les deux économies.

Sur les marchés de valeurs à revenu fixe de la zone euro, parallèlement à la revalorisation (repricing) des autres actifs risqués, les écarts de rendement des obligations d’entreprise se sont temporairement resserrés au début de l’été, en ligne avec le regain d’appétence pour le risque des investisseurs, avant l’annulation d’une partie de ce resserrement en août.

Les écarts de rendement des obligations souveraines de la zone euro se sont progressivement creusés, reflétant la modification des anticipations relatives aux taux directeurs. Cependant, le lien entre écarts de rendement et anticipations relatives aux taux d’intérêt semble s’être affaibli depuis la réunion ad hoc du Conseil des gouverneurs, le 15 juin 2022.

Sur les marchés monétaires, le relèvement de 50 points de base des taux directeurs en juillet s’est répercuté de façon harmonieuse, à quelques exceptions près sur les marchés des pensions (repo) et des bons du Trésor. Plus précisément, la transmission aux taux allemands des pensions sur le compartiment du spécifique (non-general collateral) à la suite du relèvement en juillet n’a été que partielle, reflétant principalement la rareté du Bund allemand comme collatéral.

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