La parole à

La parole à Valérie Fasquelle : « Avec l’intelligence artificielle, l’enjeu est l’adaptation. Loin de remplacer l’humain, elle redéfinit son rôle et ses compétences. »

Published on the 11th of February 2025
Visuel - Valérie Fasquelle

Chaque mois, un expert de la Banque de France est interviewé dans le cadre de notre newsletter LinkedIn. Pour le numéro de février 2025, Valérie Fasquelle , directrice générale du Système d’Information, revient sur les effets du déploiement de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur financier, les opportunités et les risques associés. Elle explique également le double défi posé par l’IA pour l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

1. Dans quelle mesure l’intelligence artificielle (IA) constitue-t-elle aujourd’hui un moteur essentiel de transformation numérique du secteur financier et quels sont les opportunités et les risques associés ? Pensez-vous notamment que le déploiement de l’IA conduira à des transformations profondes quant aux métiers et emplois dans le secteur financier ? 

L’intelligence artificielle (IA), et depuis maintenant deux ans l’IA générative, est un puissant levier de transformation numérique du secteur financier. Elle peut contribuer à optimiser ou automatiser certaines opérations, améliorer l'expérience client, stimuler l'innovation, personnaliser les services, détecter la fraude et gérer les risques.

Cette technologie, utilisée de façon croissante par les institutions financières, ouvre donc des perspectives considérables en même temps qu’elle favorise la création de nouveaux emplois spécialisés, notamment dans la data science, la cybersécurité et les algorithmes d’apprentissage.

Mais cette transformation soulève aussi des défis. L’opacité de certains algorithmes, les risques liés à la cybersécurité, ainsi que la maîtrise du risque environnemental, soulèvent des enjeux importants pour la stabilité du système financier. L’IA doit être au service d’un développement financier responsable, garantissant transparence et équité.

Contrairement aux idées reçues, l’IA ne détruit pas les emplois, elle les transforme : par l’automatisation de tâches répétitives, par l’intégration de nouvelles compétences (analyse des données), par l’émergence de nouveaux rôles comme la gouvernance des modèles d’IA.

L’enjeu est donc l’adaptation. Apprendre à collaborer avec l’IA, comprendre ses limites, exploiter ses forces. Loin de remplacer l’humain, elle redéfinit son rôle et ses compétences.

2. Comment la dualité entre les opportunités et les risques associés impacte-t-elle également l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui doit se préparer à contrôler l’usage des algorithmes, tout en tirant parti des possibilités qu’offre la technologie pour développer une supervision « augmentée » ?

L'IA, en étant tout à la fois vecteur d’opportunités mais aussi de risques, justifie pleinement l’effort de régulation engagé en Europe avec l’IA Act, adopté à l’été 2024. L’ensemble des acteurs du secteur financier devront se doter des compétences nécessaires au respect de la réglementation et les superviseurs eux-mêmes – comme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en France, devront adapter leurs outils et méthodes à ce nouvel environnement dans lequel la technologie jouera un rôle majeur.

L’IA pose en effet un double défi pour l’ACPR : encadrer son utilisation par les institutions financières tout en exploitant son potentiel pour développer une supervision « augmentée ».

D’un côté, l’ACPR doit veiller à ce que l’usage de l’IA dans les services financiers respecte les principes de robustesse, d’explicabilité et d’équité. La complexité des modèles utilisés, notamment en matière d’octroi de crédit ou de tarification en assurance, impose un cadre de surveillance renforcé pour éviter les biais et garantir la protection des consommateurs. La réglementation européenne sur l’IA (AI Act) viendra structurer ce cadre, avec des exigences spécifiques pour les systèmes à haut risque. 

De l’autre, l’IA représente une formidable opportunité pour optimiser la supervision. L’ACPR explore ainsi des solutions d’analyse prédictive pour détecter les anomalies et renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 

L’IA transforme le secteur financier à une vitesse fulgurante, mais elle doit être abordée avec pragmatisme et responsabilité. Loin d’éclipser l’humain, elle le repositionne au cœur du système. Reste à faire de l’IA un levier durable et maîtrisé, au service de la stabilité et de l’innovation financière.
 

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Updated on the 11th of February 2025