1 Un bien public européen nécessite une gouvernance européenne
Afin de renforcer la compétitivité et la résilience de l’Union européenne (UE) sur le long terme, le rapport Draghi (2024) recommande, entre autres, de réorienter le budget de l’Union vers le financement de biens publics européens (cf. encadré 1). Or, en raison des externalités transfrontalières, la production de ces biens gagnerait à être coordonnée au niveau européen plutôt que gérée nationalement. Du point de vue d’une banque centrale, un financement accru des biens publics européens revêt un intérêt : il contribuerait à rendre la zone euro plus compétitive et résiliente, ce qui soutiendrait en retour la stabilité des prix à moyen terme.
Choisir une gouvernance européenne des biens publics revient à arbitrer entre les avantages de la centralisation et les inconvénients liés à des préférences hétérogènes. Dans l’UE, la gestion des biens publics peut en effet s’effectuer à l’échelle locale, nationale ou européenne. Afin de vérifier l’existence ou non d’une « valeur ajoutée européenne » à la gestion d’un bien public par rapport à l’échelon national, trois critères doivent être considérés (Alesina et al., 2005 ; Claeys et Steinbach, 2024) :
- L’existence d’économies d’échelle au niveau européen : cette caractéristique tient généralement à la présence de coûts fixes élevés, avec donc un coût moyen de production qui décroît avec l’augmentation des quantités. Le secteur de la défense l’illustre : il inclut de nombreux coûts fixes liés au développement de technologies et de matériels (Scazzieri et Tordoir, 2024; Steinbach et Wolff, 2024). Une entité gouvernementale européenne pourrait ainsi fournir le bien public à des coûts unitaires plus faibles qu’une multitude de producteurs nationaux ;
- L’internalisation des externalités transnationales : si les décisions de fournir un bien public reviennent individuellement aux États, les externalités positives générées par le pays fournisseur vers les autres peuvent engendrer des comportements dits de passager clandestin, avec le risque d’une sous-production de ce bien public à l’échelle européenne ;
- Une certaine homogénéité des préférences au niveau européen pour la fourniture du bien public : les préférences des citoyens varient en fonction de leur contexte socio-économique et culturel, ce qui influe sur leurs priorités vis-à-vis des biens publics. Une forte hétérogénéité des préférences au sein de l’UE rend une gestion fédérale moins justifiable, car elle ne répondrait pas adéquatement aux préférences locales des citoyens. À l’inverse, des préférences relativement homogènes à l’échelle européenne plaident en faveur d’une gestion fédérale.