Bulletin économique de la BCE

Bulletin économique de la BCE n°2/2025

Published on the 20th of March 2025

Le Bulletin économique résulte de l'obligation légale faite à la BCE de publier des rapports sur les activités du SEBC au moins chaque trimestre (en vertu de l’article 15.1 des Statuts du SEBC). Les éditions publiées après les réunions de politique monétaire de mars, juin, septembre et décembre fournissent une analyse approfondie des évolutions économiques et monétaires.

Évolutions économiques, financières et monétaires

Synthèse

Lors de sa réunion du 6 mars 2025, le Conseil des gouverneurs a décidé d’abaisser les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. En particulier, la décision de réduire le taux de la facilité de dépôt, à travers lequel le Conseil des gouverneurs pilote l’orientation de la politique monétaire, est fondée sur son évaluation actualisée des perspectives d’inflation, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire.

Le processus de désinflation est en bonne voie. L’évolution de l’inflation a été globalement conforme aux anticipations des services de l’Eurosystème, et les projections macroéconomiques de mars 2025 établies par les services de la BCE pour la zone euro correspondent étroitement aux perspectives d’inflation établies précédemment. Elles prévoient désormais que l’inflation totale s’établira en moyenne à 2,3 % en 2025, 1,9 % en 2026 et 2,0 % en 2027. La révision à la hausse de l’inflation totale pour 2025 reflète une dynamique plus soutenue des prix de l’énergie. S’agissant de l’évolution des prix hors énergie et produits alimentaires, les services de la BCE tablent sur une hausse moyenne de 2,2 % en 2025, 2,0 % en 2026 et 1,9 % en 2027.

La plupart des mesures de l’inflation sous-jacente laissent entrevoir une inflation se stabilisant durablement autour de la cible du Conseil des gouverneurs de 2 % à moyen terme. L’inflation intérieure reste élevée, principalement du fait de la poursuite de l’ajustement, avec un important décalage, des salaires et des prix dans certains secteurs à la poussée inflationniste passée. Mais la hausse des salaires s’atténue comme attendu et les bénéfices amortissent en partie leur incidence sur l’inflation.

La politique monétaire devient sensiblement moins restrictive, dans la mesure où les réductions des taux d’intérêt directeurs rendent les nouveaux emprunts moins chers pour les entreprises et les ménages, et alors que la croissance des prêts se redresse. Cela étant, la poursuite de la transmission des hausses passées des taux directeurs à l’encours de crédits constitue un frein à l’assouplissement des conditions de financement, et l’activité de prêt demeure globalement modérée. La persistance de défis pesant sur l’économie a conduit les services de la BCE à abaisser de nouveau leurs projections de croissance – à 0,9 % pour 2025, 1,2 % pour 2026 et 1,3 % pour 2027. Les révisions à la baisse pour 2025 et 2026 traduisent un ralentissement des exportations et une faiblesse continue des investissements, provenant notamment d’une forte incertitude concernant la politique économique au sens large, et la politique commerciale en particulier. La croissance des revenus réels et la dissipation graduelle des effets des hausses passées des taux directeurs restent les principaux déterminants de la reprise progressive attendue de la demande.

Le Conseil des gouverneurs est résolu à assurer une stabilisation durable de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Compte tenu, en particulier, du contexte actuel d’incertitudes croissantes, il suivra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer, réunion par réunion, l’orientation appropriée de la politique monétaire. Plus particulièrement, les décisions du Conseil des gouverneurs relatives aux taux d’intérêt directeurs seront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières disponibles, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière.

Activité économique

L’économie de la zone euro devrait avoir crû faiblement au dernier trimestre 2024. Les deux premiers mois de 2025 se sont inscrits dans le sillage des évolutions à l’œuvre en 2024. L’activité manufacturière reste un frein à la croissance, même si les indicateurs tirés d’enquêtes s’améliorent. La forte incertitude, dans la zone euro et dans le monde, restreint les investissements, alors que des défis en matière de compétitivité pèsent sur les exportations. L’activité dans les services, en revanche, demeure solide. En outre, la hausse des revenus des ménages et la vitalité du marché du travail favorisent un rebond progressif de la consommation, en dépit d’une confiance des consommateurs toujours fragile et de taux d’épargne élevés.

Le taux de chômage s’est maintenu à son taux extrêmement bas de 6,2 % en janvier 2025, et l’emploi aurait progressé de 0,1 % au dernier trimestre 2024. Cela étant, la demande de main-d’œuvre s’est modérée et les données d’enquêtes récentes signalent une croissance contenue de l’emploi au cours des deux premiers mois de 2025.

La persistance de fortes incertitudes, géopolitiques, commerciales et économiques, devrait peser sur la croissance économique de la zone euro, en particulier sur celle des investissements et des exportations, et freiner la reprise attendue. Or, la croissance économique a déjà été légèrement plus faible que prévu à la fin de 2024. Les incertitudes entourant les politiques économiques dans la zone euro et les politiques commerciales sont élevées. Même si le scénario de référence des projections ne tient compte que de l’incidence des nouveaux droits de douane sur les échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine, les effets négatifs de l’incertitude liée à l’hypothèse de nouvelles révisions des politiques commerciales mondiales, en particulier vis-à-vis de l’Union européenne, devraient peser sur les exportations et l’investissement de la zone euro. Dans cette situation, mais aussi du fait des défis persistants en matière de compétitivité, les parts de marché à l’exportation de la zone euro devraient de nouveau reculer. En dépit de ces facteurs défavorables, les conditions d’un nouveau renforcement de la croissance du PIB de la zone euro demeurent réunies sur l’horizon de projection. La hausse des salaires réels et de l’emploi, dans le contexte d’un marché du travail robuste, malgré une détente, devrait soutenir une reprise de la croissance dont la consommation resterait un facteur essentiel. La demande intérieure devrait également bénéficier d’un assouplissement des conditions de financement, qui ressort des anticipations des marchés relatives à l’évolution future des taux d’intérêt. Le marché du travail devrait rester vigoureux et le taux de chômage s’établir à 6,3 % en moyenne en 2025, avant de diminuer légèrement pour revenir à 6,2 % en 2027. Même si des difficultés structurelles persistent, la productivité devrait se redresser sur l’horizon de projection alors que certains facteurs conjoncturels l’ayant récemment affaiblie commencent à se dissiper. Dans l’ensemble, la croissance annuelle moyenne du PIB en volume devrait s’établir à 0,9 % en 2025, avant de se renforcer et d’atteindre 1,2 % en 2026 et 1,3 % en 2027. Par rapport aux projections macroéconomiques de décembre 2024 établies par les services de l’Eurosystème, les perspectives de croissance du PIB ont été révisées à la baisse, de 0,2 point de pourcentage pour 2025 et 2026, mais restent inchangées pour 2027. La détérioration des perspectives est principalement due à des révisions à la baisse des exportations et, dans une moindre mesure, de l’investissement, reflétant une incidence plus forte de l’incertitude que prévu précédemment ainsi que l’anticipation d’une persistance probablement plus durable qu’attendu des défis en matière de compétitivité.

Les politiques budgétaires et structurelles devraient améliorer la productivité, la compétitivité et la capacité de résistance de l’économie. La boussole pour la compétitivité présentée par la Commission européenne constitue un plan d’action concret dont les propositions devraient être adoptées sans délai. Il appartient aux gouvernements d’assurer la pérennité des finances publiques conformément au cadre de gouvernance économique de l’UE et de privilégier les réformes structurelles essentielles favorables à la croissance ainsi que les investissements stratégiques.

Inflation

Selon l’estimation rapide d’Eurostat, l’inflation en rythme annuel s’est établie à 2,4 % en février 2025, après 2,5 % en janvier et 2,4 % en décembre 2024. La hausse des prix de l’énergie s’est ralentie à 0,2 %, après une poussée à 1,9 % en janvier, contre 0,1 % en décembre. En revanche, la hausse des prix des produits alimentaires a atteint 2,7 %, après 2,3 % en janvier et 2,6 % en décembre. Le renchérissement des biens s’est accentué, à 0,6 %, tandis que l’augmentation des prix des services s’est atténuée, à 3,7 %, contre 3,9 % en janvier et 4,0 % en décembre.
La plupart des indicateurs de l’inflation sous-jacente laissent entrevoir un retour durable de l’inflation au niveau de la cible du Conseil des gouverneurs de 2 % à moyen terme. L’inflation intérieure, qui suit de près la hausse des prix des services, s’est ralentie en janvier 2025. Elle demeure toutefois élevée, du fait de la poursuite de l’ajustement, avec un important décalage, des salaires et des prix de certains services à la poussée inflationniste passée. Dans le même temps, les négociations salariales récentes suggèrent que les tensions sur les coûts de main-d’œuvre continuent de se modérer.

La hausse de l’IPCH total s’est accélérée au cours des derniers mois, mais devrait légèrement se modérer en 2025 puis se ralentir et fluctuer autour de la cible d’inflation de 2 % du Conseil des gouverneurs à partir du premier trimestre 2026. Au début de l’horizon de projection, des effets de base haussiers émanant de la composante énergie et la progression plus forte des prix des produits alimentaires devraient globalement compenser l’incidence baissière du ralentissement de l’inflation mesurée par l’IPCH hors énergie et produits alimentaires (IPCHX). L’augmentation des prix des matières premières énergétiques au tournant de l’année se répercutera sur le taux de variation annuel des prix de l’énergie en 2025. Même si les prix du pétrole et du gaz devraient diminuer conformément aux prix des contrats à terme, le renchérissement de l’énergie devrait se poursuivre sur l’ensemble de l’horizon de projection, quoiqu’à des taux inférieurs à la moyenne de long terme. En 2027, la hausse des prix de l’énergie devrait être alimentée par l’introduction de nouvelles mesures d’atténuation du changement climatique. L’augmentation des prix des produits alimentaires devrait s’accentuer jusque mi-2025, principalement sous l’effet des fortes hausses récentes des prix des matières premières alimentaires, avant de revenir à 2,2 % en moyenne en 2027. La hausse de l’IPCHX commencerait à se ralentir début 2025 avec la dissipation des effets des réévaluations décalées, l’atténuation des tensions sur les salaires et la poursuite de la transmission aux prix à la consommation du resserrement passé de la politique monétaire. Ce ralentissement serait principalement dû à une décélération de la hausse des prix des services, qui a été relativement persistante jusqu’à présent. De manière générale, l’inflation mesurée par l’IPCHX devrait revenir de 2,2 % en 2025 à 1,9 % en 2027. Grâce à l’affaiblissement des tensions liées à la compensation de l’inflation, la progression des salaires resterait sur une trajectoire baissière par rapport aux niveaux actuels toujours élevés. Conjuguée à la reprise attendue de la croissance de la productivité, cette évolution devrait entraîner un ralentissement sensible de l’augmentation des coûts unitaires de main-d’œuvre. En conséquence, l’atténuation des tensions d’origine interne sur les prix devrait se prolonger et les marges bénéficiaires se redresser sur l’horizon de projection. Dans l’hypothèse de politiques de l’UE en matière de droits de douane inchangées, les tensions sur les prix d’origine externe, reflétées par les prix à l’importation, resteraient quant à elles modérées. Par rapport aux projections de décembre 2024, les perspectives de hausse de l’IPCH total ont été révisées à la hausse de 0,2 point de pourcentage pour 2025 en raison d’hypothèses plus élevées relatives aux prix des matières premières énergétiques et de la dépréciation de l’euro, tandis qu’elles ont été légèrement révisées à la baisse pour 2027 sous l’effet de perspectives légèrement plus faibles pour la composante énergie à la fin de l’horizon de projection.

En résumé, l’hypothèse d’un renchérissement plus marqué de l’énergie a conduit les services de la BCE à réviser leur projection d’inflation totale à la hausse pour 2025. Parallèlement, le ralentissement de l’inflation sous-jacente devrait se poursuivre, étant donné que la modération des tensions sur les coûts de main-d’œuvre perdure et que le resserrement passé de la politique monétaire pèse toujours sur les prix. La plupart des mesures des anticipations d’inflation à plus long terme continuent de s’établir autour de 2 %. Tous ces facteurs soutiendront le retour durable de l’inflation au niveau de la cible du Conseil des gouverneurs.

Évaluation des risques

Les risques pesant sur la croissance économique restent orientés à la baisse. Une intensification des tensions commerciales altérerait la croissance de la zone euro en limitant les exportations et en affaiblissant l’économie mondiale. Les incertitudes persistantes quant aux politiques commerciales mondiales pourraient freiner l’investissement. Les tensions géopolitiques, tenant notamment à la guerre injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine et au conflit tragique au Moyen-Orient, demeurent également une source d’incertitude importante. La croissance pourrait être plus faible si les effets décalés du resserrement de la politique monétaire durent plus longtemps qu’anticipé. Elle pourrait en revanche être plus forte si l’assouplissement des conditions de financement et le recul de l’inflation permettent un rebond plus rapide de la consommation et de l’investissement intérieurs. Une augmentation des dépenses consacrées à la défense et aux infrastructures pourrait aussi stimuler la croissance.

L’accentuation des frictions commerciales à l’échelle internationale accroît les incertitudes quant aux perspectives d’inflation dans la zone euro. Une aggravation générale des tensions commerciales pourrait se traduire par une dépréciation de l’euro et une hausse des coûts à l’importation, ce qui pourrait exercer une pression haussière sur l’inflation. Dans le même temps, le fléchissement de la demande d’exportations adressée à la zone euro dû à l’augmentation des droits de douane et le réacheminement d’exportations depuis des pays en surcapacité vers la zone euro pourraient exercer une pression baissière sur l’inflation. Des risques en sens opposé pèsent sur l’inflation du fait des tensions géopolitiques et de leurs effets sur les marchés de l’énergie, la confiance des consommateurs et l’investissement des entreprises. Des événements météorologiques extrêmes et, plus généralement, l’évolution de la crise climatique pourraient conduire à une hausse des prix des produits alimentaires plus importante qu’anticipé. L’inflation pourrait être plus élevée si les salaires ou les bénéfices progressent plus qu’attendu. Elle pourrait aussi se renforcer du fait de l’incidence sur la demande agrégée d’un accroissement des dépenses dans les domaines de la défense et des infrastructures. L’inflation pourrait toutefois surprendre à la baisse si la politique monétaire freine la demande plus que prévu.

Conditions financières et monétaires

Les taux d’intérêt de marché dans la zone euro ont diminué après la réunion du Conseil des gouverneurs du 30 janvier 2025, mais ils ont augmenté au cours de la période précédant sa réunion du 6 mars à la suite d’une révision des perspectives budgétaires. Les réductions des taux d’intérêt directeurs rendent les emprunts progressivement moins chers pour les entreprises et les ménages et la croissance des prêts se redresse. Cela étant, la poursuite de la transmission des hausses passées des taux directeurs à l’encours de crédits constitue un frein à l’assouplissement des conditions de financement, et l’activité de prêt demeure globalement modérée.

Le taux d’intérêt moyen appliqué aux nouveaux prêts aux entreprises est revenu à 4,2 % en janvier 2025, contre 4,4 % en décembre 2024. En revanche, le coût du financement par endettement de marché pour les entreprises s’est inscrit en hausse, à 3,7 %, soit 0,2 point de pourcentage de plus qu’en décembre. Au cours de la même période, le taux d’intérêt moyen appliqué aux nouveaux prêts hypothécaires a diminué, à 3,3 % après 3,4 %.

La croissance des prêts bancaires aux entreprises est passée de 1,7 % en décembre à 2,0 % en janvier, sous l’effet de flux mensuels de nouveaux prêts modérés. Le taux de croissance des émissions de titres de créance par les entreprises a augmenté, à 3,4 % en glissement annuel. La croissance graduelle des prêts hypothécaires s’est poursuivie, mais à un rythme annuel globalement modéré de 1,3 %.

 

Décisions de politique monétaire

Les taux d’intérêt de la facilité de dépôt, des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal ont été abaissés à, respectivement, 2,50 %, 2,65 % et 2,90 % à compter du 12 mars 2025.

Les portefeuilles du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) et du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP) se contractent à un rythme mesuré et prévisible, car l’Eurosystème ne réinvestit plus les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance.

Conclusion

Lors de sa réunion du 6 mars 2025, le Conseil des gouverneurs a décidé d’abaisser les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. En particulier, la décision de réduire le taux de la facilité de dépôt, à travers lequel le Conseil des gouverneurs pilote l’orientation de la politique monétaire, est fondée sur son évaluation actualisée des perspectives d’inflation, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs est résolu à assurer une stabilisation durable de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Compte tenu, en particulier, du contexte actuel d’incertitudes croissantes, il suivra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer, réunion par réunion, l’orientation appropriée de la politique monétaire. Plus particulièrement, les décisions du Conseil des gouverneurs relatives aux taux d’intérêt directeurs seront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières disponibles, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière.

En toute hypothèse, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat, pour assurer une stabilisation durable de l’inflation au niveau de sa cible à moyen terme et pour préserver la bonne transmission de la politique monétaire.

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Updated on the 2nd of April 2025