Dans cet article, nous utilisons un ensemble de données microéconomiques d’exportateurs, disponibles dans 11 pays européens (2001-2011), pour étudier comment les exportations des entreprises réagissent aux fluctuations du taux de change réel, et comment cette réaction peut être influencée par leur niveau de productivité. Nous combinons ensuite l'élasticité estimée du taux de change au niveau de l'entreprise avec des informations sur la structure microéconomique des exportations de chaque pays pour prévoir l'élasticité macroéconomique du taux de change pour chacun de ces pays. Bien que nous ne disposions pas d'un accès direct aux données publiées au niveau de l'entreprise, notre base de données fournit des informations détaillées d’exportations par classes de productivité des firmes (déciles) définies dans chaque pays, secteur et année. Ces informations nous permettent d'identifier, pour chaque pays et secteur, la distribution des niveaux de productivité au sein de la population des exportateurs ainsi que leurs performances à l'exportation (niveau ou croissance).
Dans notre étude empirique, la croissance des exportations de chaque entreprise s'explique par les variations du taux de change effectif réel dans le pays exportateur, un indicateur de la demande étrangère adressée, un contrôle de l'appartenance à la zone euro et un ensemble d'effets fixes qui tiennent compte de l'hétérogénéité non observée. Nous utilisons des indicateurs de taux de change effectif réel (TCER) calculés à partir des indices de coûts salariaux unitaires relatifs (CSU) ou à partir des indices de prix à la consommation (IPC), car les variations de ces deux indicateurs révèlent des informations différentes mais complémentaires sur l'évolution des coûts de production et des prix. Notre échantillon de 11 pays d'Europe "occidentale" (Belgique, France, Italie, Portugal et Finlande) et d'Europe "orientale" (Estonie, Hongrie, Lituanie, Pologne, Slovénie et Slovaquie) nous offre une grande variété de chocs au cours des dernières années et une variance suffisante pour l'identification.
L'élasticité microéconomique moyenne obtenue à partir de nos estimations est comprise entre -0,5 (TCER calculé à partir des CSU) et -0,8 (TCER calculé à partir des IPC): une appréciation de 10% du taux de change effectif réel tend à réduire la valeur des exportations en euros des entreprises en moyenne de 5% à 8%. Nous constatons que la réaction de l'entreprise moyenne aux variations du TCER masque une hétérogénéité substantielle au sein d'un secteur et d'un pays donnés. L'élasticité obtenue pour les entreprises les moins productives (le 20 % des entreprises les moins productives dans chaque pays, secteur et année) est trois fois plus élevée que pour les entreprises les plus productives (le 20 % des entreprises les plus productives) si l'on tient compte du TCER calculé à partir des IPC, et huit fois plus élevée si l'on tient compte du TCER calculé à partir des CSU. Nous confirmons le rôle joué par l'hétérogénéité de la productivité lorsque les entreprises sont classées sur la base d'une distribution européenne de la productivité au sein de chaque secteur, plutôt que sur une distribution de la productivité par pays et secteur : les entreprises exportatrices européennes les moins productives sont en moyenne plus réactives aux fluctuations des taux de change que les plus productives.
À partir d'un exercice d'agrégation utilisant la structure des exportations par classe de productivité des entreprises, nous constatons que les variations du taux de change effectif réel ont un impact élevé sur les exportations agrégées dans les pays à forte densité d'entreprises peu productives. Au contraire, les variations du TCER ont un impact faible dans les pays dans lesquels les exportateurs sont plutôt classés comme très productifs. Ce résultat suggère que les variations des prix relatifs n'ont qu'un effet limité sur les exportations des économies européennes parvenues à maturité.
Une version courte de ce travail est disponible sur notre blog.