Document de travail

Les multiples canaux d'ajustement des entreprises aux chocs énergétiques : L'exemple de la France

Mise en ligne le 16 Novembre 2023
Auteurs : Lionel Fontagné, Philippe Martin, Gianluca Orefice

Document de travail n°929. Sur la base de données au niveau des entreprises du secteur manufacturier français, nous constatons que les entreprises s'adaptent rapidement, fortement et par de multiples canaux aux chocs énergétiques, même si les factures d'électricité et de gaz ne représentent qu'une petite partie de leurs coûts totaux. Sur la période 1996-2019, face à une augmentation idiosyncratique du prix de l'énergie, les entreprises réduisent leur demande d'énergie, améliorent leur efficacité énergétique, augmentent les importations d'intrants intermédiaires et optimisent l'utilisation de l'énergie de leurs unités de production. Les entreprises sont également en mesure de répercuter entièrement le choc des coûts sur leurs prix à l'exportation. Leur production, leurs exportations et l'emploi diminuent en conséquence. Ces multiples mécanismes d'ajustement font que la baisse des profits est soit non significative, soit faible, soit spécifique aux seules entreprises les plus intensives en énergie. Nous constatons également que l'impact des chocs de prix de l'électricité s'est affaibli au fil du temps, ce qui suggère que l’adaptation au choc était plus facile en début de période et que seules les entreprises capables de s’adapter aux chocs de coût de l’énergie ont survécu. On relève enfin que, confrontées à de fortes augmentations des prix de l'électricité et du gaz, les entreprises sont moins capables de réduire leur consommation à hauteur de la hausse des prix. Ces résultats mettent en lumière les mécanismes de résilience du secteur manufacturier européen dans le contexte de la crise énergétique actuelle.

Image Figure 1 : Energy efficiency and electricity price
Figure 1. Energy efficiency and electricity price

Les préoccupations relatives à l’impact de la crise énergétique sur le secteur manufacturier européen ont occupé une place essentielle dans le débat sur la politique économique. Cela a été particulièrement le cas au printemps 2022, lorsqu’un éventuel embargo sur le pétrole et le gaz russes était envisagé et que le choc énergétique s’est matérialisé d’une manière sans précédent. En France, cependant, ce choc de prix n'a pas provoqué la forte baisse de la production industrielle qui avait été redoutée. Dans le même temps, les entreprises manufacturières à forte intensité énergétique ont fortement réduit leur demande d’électricité. Cela suggère que les entreprises ont trouvé des moyens de s’ajuster non pas principalement par une réduction de la production, mais par d’autres canaux, que l’on peut décrire comme des substitutions.

Beaucoup d’enseignements peuvent être tirés des épisodes passés de hausse des prix de l’énergie et cet article mobilise des données au niveau des établissements et des entreprises manufacturières françaises sur une longue période (1996-2019). Cette approche granulaire met en évidence les nombreux canaux des entreprises manufacturières aux hausses des prix de l’énergie. En combinant l’enquête annuelle sur la consommation d’énergie des établissements avec les données de bilan et les données douanières, cet article estime l’effet des variations de prix du gaz et de l’électricité sur la demande d’énergie, l’efficacité énergétique, les prix, les exportations, l’emploi, la production et les profits des entreprises françaises. Cette analyse confirme que les chocs de prix de l’énergie se traduisent par une efficacité énergétique accrue des entreprises. Comme l’illustre la figure 1 pour la période 1996-2019, les prix de l’énergie payés par les entreprises et l’efficacité énergétique semblent en effet fortement corrélés, suggérant que l’intensité énergétique de la production diminue en période de hausse des prix de l’énergie.

Confrontées à des chocs de prix de l’énergie, les entreprises réduisent leur demande d’énergie, améliorent leur efficacité énergétique, augmentent les importations de consommations intermédiaires et optimisent la consommation d’énergie dans les différentes usines. Elles sont également en mesure de répercuter intégralement le choc de coûts sur leurs prix à l’exportation. Leurs exportations, leur production, et leur emploi diminuent. À l’issue de ces d’ajustement, la baisse des bénéfices est soit non significative, soit faible, soit spécifique aux entreprises à forte intensité énergétique. L’élasticité-prix de la demande d’énergie a diminué au fil du temps, ce qui suggère que l’adaptation aux chocs sur les prix a été plus forte en début de période et que seules les entreprises en mesure de s’adapter aux chocs de coût de l’énergie ont survécu. Cette élasticité est également plus faible pour des chocs de prix l’énergie importants : les entreprises réduisent leur consommation dans une moindre proportion en présence de fortes hausses de prix. Ces résultats mettent en lumière les facteurs de résilience du secteur manufacturier européen dans le contexte de la crise énergétique actuelle.
 

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Mise à jour le 16 Novembre 2023