Henri Fraisse est responsable de la cellule recherche à la Direction des Etudes de l’ACPR. Il était auparavant chef du service des risques macroprudentiels dans la même direction. Il est titulaire d’un doctorat en économie de Cornell University, d’un master en économie de Paris 1 et est diplômé de l’ENSAE. Ses recherches actuelles portent sur la réglementation financière et l’économie bancaire.
L’endettement des ménages et le nombre de ménages en faillite personnelle ont atteint pendant la dernière crise financière des niveaux record dans de nombreux pays. Dans un environnement d’endettement élevé, le débat de politique économique pour traiter du surendettement est passé de la recherche du meilleur régime de faillite pour prévenir le surendettement (cf. le « Bankruptcy Abuse Prevention and Consumer Protection Act » de 2005 aux Etats-Unis) à l’établissement de mesures concrètes pour restructurer la dette des ménages déjà surendettés (cf le « Home Affordable Modification Program » mis en place en 2009 dans ce même pays). Une question empirique inexplorée est dans quelle mesure une restructuration de dette permet aux ménages de sortir d’une « trappe » du surendettement.
Henri Fraisse étudie la question dans le cas de la France et plus particulièrement de l’influence de moratoire de deux ans, à l’opposé de l’exigence d’un remboursement immédiat, sur la rechute en surendettement. Il s’appuie sur une base de données permettant d’observer le devenir des surendettés orientés en 2008 sur la période 2009-2015.
Les faits de bénéficier d’un moratoire et de redéposer un dossier de surendettement peuvent être liés à des perspectives d’emploi faibles ou à des contraintes financières élevées imparfaitement mesurées par les données statistiques dont on dispose. Il est alors difficile d’établir un lien causal entre moratoire et rechute.
Pour contourner ce problème, Henri Fraisse s’appuie sur l’allocation aléatoire des dossiers entre les gestionnaires des commissions de surendettement. On vérifie qu’au sein d’une même commission, les gestionnaires traitent des dossiers de surendettés aux caractéristiques statistiquement similaires. On procède alors à une approche causale par régression instrumentale où l’instrument est la propension relativement à ses pairs d’un gestionnaire à proposer un moratoire.
Les résultats empiriques montrent qu’un moratoire diminue causalement de 37% la probabilité d’une rechute dans les sept ans qui suivent la décision. L’effet du moratoire atteint son pic au bout de deux ans et disparait après 4 ans. Pour la population ayant bénéficié d’un moratoire et n’ayant pas rechuté avant 4 ans, ce moratoire ne modifie pas leur comportement de remboursement par rapport aux ménages qui n’en ont pas bénéficié.
En outre, selon Henri Fraisse, la stratégie d’identification permet de mesurer les effets d’un resserrement des conditions d’octroi d’un moratoire. Ces effets dépendent peu du nombre de créanciers ou de la part de la dette bancaire dans l’endettement total mais significativement du taux de charges courantes (charges courantes/revenu). Par ailleurs, certains clients de certaines banques seraient plus sensibles à ce resserrement, suggérant indirectement que la politique de distribution de celles-ci cible des clients les ?plus fragiles. Dans une perspective d’équilibre général, des commissions plus sévères pourraient modifier le marché du crédit local en réduisant l’aléa moral des emprunteurs. Ces effets ne sont pourtant pas visibles dans une première analyse.
Au final, les résultats soulignent l’intérêt des programmes de restructuration de dettes pour aider les ménages à sortir d’une trappe à pauvreté. Ils plaident aussi pour la mise en place de politiques d’éducation financière et l’encadrement des normes de distribution de crédit à la consommation. Un accent a été effectivement sur ces politiques ces dernières années en France. Ainsi, la loi Lagarde de 2010 encadre davantage la distribution de crédit à la consommation tandis qu’une stratégie nationale en termes d’éducation financière a été établie en 2015.
Henri Fraisse (2017) Households Debt Restructuring: The Re-default Effects of a Debt Suspension, The Journal of Law, Economics, and Organization, Volume 33, Issue 4, 1 November, Pages 686–717, https://doi.org/10.1093/jleo/ewx011
Mis à jour le : 08/01/2018 16:50