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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale

 

 

Audition de François Villeroy de Galhau,

Gouverneur de la Banque de France,

 

devant la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale

 

Paris, mercredi 19 juillet 2017

 

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Je vous remercie de me recevoir ce matin. C’est un honneur pour moi d’être devant vous,
les représentants de la Nation, et d’être devant cette nouvelle Commission des finances.
La Banque de France est indépendante, mais la contrepartie de notre indépendance, c’est l’exigence sur nos résultats, dont nous devons rendre compte régulièrement, et d’abord devant vous. J’y attache une grande importance et je me tiendrai évidemment à votre disposition, comme toute la Banque de France, tout au long de cette législature.

Je voudrais en introduction parler de deux sujets importants pour la Banque de France. D’abord, ce qui relève directement de notre action : la stratégie monétaire, la stabilité financière et les services à l’économie, ce que nous appelons les « 3 S ». Ensuite, ce qui relève de notre contribution au débat économique, à partir de la « Lettre au Président de la République », que je viens de publier et qui est également adressée aux Présidents des deux assemblées.

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I-Notre action

Je vais commencer par notre action, et par la première de nos missions qui est la stratégie monétaire. Je ne vais pas m’y attarder car nous sommes actuellement en période de réserve avant le prochain Conseil des gouverneurs de la BCE cet après-midi et demain. La situation économique en zone euro s’améliore. La croissance économique pourrait en 2017 être proche de celle des États-Unis, pour la deuxième année consécutive, à au moins 1,9 %. L’inflation, encore négative en avril 2016, à -0,2 %, devrait continuer à se redresser pour atteindre 1,5 % en 2017, puis 1,6 % en 2019 selon nos dernières prévisions de l’Eurosystème. La politique monétaire accommodante que nous menons depuis 2014 y a contribué : elle a apporté un gain d’inflation estimé à environ 0,4 % par an en moyenne sur la période 2015-2018. Le gain de croissance est du même ordre de grandeur.

Sans préjuger des prochaines décisions du Conseil des gouverneurs, je veux rappeler que notre politique monétaire accommodante est efficace, mais ne peut pas tout. Elle peut soutenir conjoncturellement l’économie, mais pas augmenter durablement la croissance potentielle.
C’est pour cette raison qu’il est urgent que d’autres politiques économiques prennent le relais :
au niveau européen, nous avons besoin d’une Union économique en complément de l’Union monétaire, et pour cela d’une optimisation de la zone euro. Je résume souvent cet impératif économique par le « triangle de croissance » : d’abord, des réformes structurelles nationales, là où elles sont nécessaires, comme en France et en Italie ; en parallèle, une relance budgétaire ou salariale dans les pays disposant d’une marge de manœuvre, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, pour atteindre une meilleure stratégie économique collective ; et une « Union de financement pour l’investissement et l’innovation » afin de mobiliser plus efficacement l’épargne abondante de la zone euro, et préparer l’Europe post-Brexit. Et pour ancrer ce « triangle de croissance » dans la durée, je crois souhaitable une architecture institutionnelle plus solide, avec un ministre des Finances de la zone euro et à terme un budget.

Notre deuxième mission est la stabilité financière. Avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) que je préside, nous nous assurons de la solidité du système financier français : les banques, les assurances, les systèmes de paiement. Il est aujourd’hui l’un des plus robustes d’Europe et du G7. À titre d’illustration, les fonds propres des banques françaises ont plus que doublé depuis la crise de 2008. Et, en parallèle, les crédits accordés à l’économie sont heureusement restés abondants, et même globalement très dynamiques (+ 5,3 % à fin mai, pour les ménages et les entreprises). Mais nous sommes vigilants : au sein du Haut Conseil de stabilité financière auquel je participe, nous veillons à éviter la formation de bulles ou d’un niveau d’endettement excessif de certains secteurs, et symétriquement, la Banque de France veille sur le terrain au bon accès des PME et TPE au crédit.

Grâce à la coopération internationale, nous avons depuis la crise réalisé des progrès considérables vers une réglementation financière plus sûre : il le fallait. Nous sommes aujourd’hui mobilisés pour la finalisation de la réglementation bancaire, dite Bâle III. Je souhaite que nous parvenions à un accord final équilibré d’ici l’automne prochain. Cela étant, le problème principal aujourd’hui n’est plus la solvabilité des banques, mais la liquidité des non-banques (hors assurances) : les efforts réglementaires doivent à présent se concentrer sur le secteur bancaire parallèle (shadow banking), et en particulier les fonds peu régulés et à risques.

J’en viens à la troisième mission de la Banque de France : les services à l'économie.
Nos équipes sont engagées sur le terrain, dans notre réseau sur tout le territoire, pour accompagner les Français, et notamment ceux qui en ont le plus besoin : en 2016, nous avons aidé plus de 210 000 familles à sortir du surendettement et nous garantissons le droit au compte. La Banque de France a aussi été désignée opérateur de la stratégie nationale d’éducation économique et financière des publics. Nous sommes également très présents aux côtés
des entreprises, tout particulièrement des PME et des TPE : en 2016, nous avons réalisé la cotation de crédit de plus de 256 000 entreprises. Le directeur départemental de la Banque de France est aussi médiateur du crédit. N’hésitez pas à faire appel à lui ; nous avons en outre mis en place partout un correspondant TPE. Et cela, nous le faisons en prenant notre part dans l’impératif de bonne gestion de l’argent public. Avec notre plan stratégique Ambitions 2020,  nous allons réduire, en cinq ans, de 20 % nos effectifs et de 10 % les dépenses nettes de nos activités, tout en maintenant une présence territoriale active dans chaque département.

 

 II - Notre éclairage sur le débat économique

Ceci m’amène à mon deuxième sujet : notre éclairage sur le débat économique national.
Notre pays connaît une embellie économique. Celle-ci doit être le moment favorable pour que la France se mobilise collectivement et rattrape enfin ses retards. Chez nombre de nos voisins qui partagent le modèle social européen, les réformes « marchent » [diapo 1]. C’est ce que j’ai mis en avant dans la Lettre au Président de la République présentée début juillet. Pour y parvenir, nous devons avoir une ambition globale, et par là équitable, avec à la fois la reprise du contrôle de nos finances publiques, et l’audace des réformes nécessaires et possibles [diapo 2].
Sur le volet budgétaire, il convient de poursuivre trois objectifs liés entre eux : d’abord, augmenter l’efficacité de nos dépenses publiques, qui sont bien plus lourdes que chez nos voisins européens, avec des niveaux de services publics et de protection sociale pourtant proches (56 % du PIB contre 46 % en moyenne en zone euro hors France). C’est ainsi seulement que nous pourrons reprendre la maîtrise de notre dette publique, qui approche les 100 % du PIB, et faire baisser les prélèvements obligatoires. Mais une France plus forte, c’est aussi une France avec plus de talents humains et moins de règles inefficaces. C’est pourquoi, nous avons en même temps besoin de réformes complémentaires entre elles. Il y a, là aussi, trois priorités d’action : d’abord, investir dans l’éducation, pour donner les meilleures chances à chacun – cela passe notamment par une meilleure efficacité de la formation professionnelle et par un développement massif de l’apprentissage pour les jeunes ; ensuite, et de façon parallèle pour garder le bon équilibre, faire un effort massif et structuré de simplifications sur le marché du travail d’une part et sur le marché des biens et services d’autre part. Ces six priorités d’action sont à mes yeux les six clés du succès de la France.

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Je voudrais pour terminer partager avec vous une conviction : si nous conduisons une telle stratégie d’ensemble – certes exigeante –, si nous agissons en outre sur les trois terrains de jeu que sont la France, l’Europe et l’international, et si nous tenons dans la durée, la France réussira. Sans aucun doute, la croissance en France accélérera, le chômage reculera. Dans cet effort collectif, soyez assurés que vous pourrez compter sur la Banque de France pour mener ses missions, et pour contribuer au succès de la France en Europe.


 

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HearingsFrançois VILLEROY DE GALHAU, Gouverneur de la Banque de France
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale
  • Published on 07/19/2017
  • 4 pages
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