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L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises : une première photographie à partir des données monétaires et financières à fin mars 2020.

 

 

 

 

L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises :  une première photographie à partir des données monétaires et financières à fin mars 2020

 

 

 

Les statistiques monétaires et financières à fin mars 2020 permettent d’établir une première photographie de l’impact de la crise du covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises. Cette photographie est encore partielle et provisoire car certaines données des comptes financiers ne sont pas encore disponibles. En outre, les effets financiers du confinement seront vraisemblablement plus significatifs dans les données à fin avril. Néanmoins, plusieurs évolutions marquées se dégagent déjà en mars :

•     Du côté des ménages, la détention de dépôts bancaires augmente fortement (19,6 milliards d’euros), alors que la progression des crédits s’est brutalement interrompue. Sous réserve de l’évolution des flux de placements financiers non bancaires (probablement négatifs en mars, mais les données ne sont pas encore disponibles), il est vraisemblable que les flux nets d’épargne financière des ménages (calculés comme la différence entre les flux nets de placements et les flux nets de dettes) ont été en mars beaucoup plus élevés que leur tendance antérieure, de l’ordre d’une quinzaine de milliards de d’euros. Ceci serait cohérent avec une montée de l’épargne « forcée » liée aux restrictions sur la consommation induites par les mesures de confinement, associée à de possibles comportements de thésaurisation.

•     Du côté des entreprises, on observe en mars une envolée à la fois des crédits bancaires (+ 34,2 milliards d’euros) et des dépôts (+ 40,6 milliards d’euros). Cette envolée est amplifiée par des effets de substitution du côté de l’endettement (émissions nettes légèrement négatives de titres de créances) et, dans une plus large mesure, du côté des placements liquides (sorties nettes des OPC monétaires). Surtout, elle reflète vraisemblablement des comportements de précaution des entreprises en matière de trésorerie dans la perspective de la chute de leurs ventes : la hausse de leurs dépôts représente pour une large part le décalage temporel entre la réception des fonds empruntés et les décaissements à venir. De ce fait, la photographie des deux ou trois prochains mois pourrait faire apparaître une situation de trésorerie plus resserrée.

1 – Les dépôts et l’endettement des ménages

Les dépôts à vue des ménages – incluant les entrepreneurs individuels – progressent de 13,8 milliards d’euros pour le seul mois de mars. Les dépôts rémunérés, largement représentatifs de l’épargne réglementée (livret A, LDDS) sont en hausse de 5,8 milliards d’euros. Le total des dépôts bancaires y compris les livrets d’épargne augmente ainsi de près de 20 milliards d’euros sur le seul mois de mars, à comparer à une moyenne mensuelle de l’ordre de 6 milliards d’euros sur les trois années précédentes.

 


 

La progression de l’épargne financière liquide est tout aussi forte (+ 21,6 milliards d’euros en mars, à comparer à 7 milliards d’euros par mois sur les trois années précédentes) si l’on ajoute la détention de billets et pièces par les ménages, elle aussi en hausse (+ 2 milliards d’euros).

Cette forte hausse de l’épargne financière liquide est à rapprocher de la forte baisse de la consommation en mars, du fait des mesures de confinement. Selon l’enquête de la Banque de France, les ventes du commerce de détail ont en effet chuté de 24 % par rapport à février.
 

D’autres facteurs ont aussi contribué à l’augmentation des flux nets d’épargne liquide :

•     Tout d’abord, les flux nets de crédits bancaires sont légèrement négatifs au mois de mars (à comparer à une moyenne mensuelle d’un peu plus de 6 milliards d’euros au cours des trois années précédentes). D’une part, on enregistre des remboursements nets des prêts à la consommation, conséquence logique de la quasi-suspension, à compter de mi-mars, des ventes de biens de consommation durables (électroménager, automobiles) qui vont de pair avec la production de crédits nouveaux. D’autre part, les flux nets de crédits à l’habitat se sont fortement contractés même s’ils sont encore légèrement positifs (1 milliard d’euros en mars, à comparer à 5,6 milliards d’euros en février et une moyenne mensuelle du même ordre de grandeur au cours des trois dernières années), du fait d’opérations signées dans les semaines précédant le confinement.

•     Ensuite, dans un contexte de forte volatilité sur les marchés financiers, les ménages ont vraisemblablement été vendeurs nets sur leurs placements financiers non bancaires (notamment en OPC non monétaires).

Au total, hors placements non bancaires, les flux nets d’épargne financière des ménages (dépôts – crédits) ont été de près de 20 milliards d’euros en mars, à comparer à une moyenne mensuelle voisine de zéro au cours des trois dernières années. Compte tenu des flux nets négatifs prévisibles sur les placements non bancaires (mais d’ampleur encore incertaine), on peut donc estimer que l’épidémie du covid-19 aurait entraîné en mars une hausse de l’ordre d’une quinzaine de milliards d’euros de l’épargne financière 1, à la fois en raison de l’impact des mesures de confinement sur la consommation et de possibles comportements de thésaurisation.

2 – Les dépôts et l’endettement des sociétés non financières

En mars, les dépôts des entreprises françaises (les « Sociétés non financières ») auprès du système bancaire ont augmenté de 40,6 milliards d’euros en mars contre 9,9 milliards d’euros en février. L’essentiel de cette hausse vient des dépôts à vue (39,8 milliards d’euros en mars après 6,3 en février et une moyenne mensuelle de 3,5 milliards d’euros sur les trois dernières années). Elle a été amplifiée par des transferts en provenance des OPC monétaires (– 13,0 milliards d’euros).

Parallèlement, les crédits aux SNF progressent eux aussi fortement : 34,2 milliards d’euros en mars (après 1,7 milliard d’euros en février et une moyenne mensuelle de 4,5 milliards d’euros sur les trois dernières années) dont 27,1 milliards d’euros pour les crédits dits « de trésorerie » (après – 0,8 en février). Plusieurs facteurs ont contribué à cette hausse des flux nets de crédits bancaires en mars :

•     les remboursements de prêts ont été très faibles – à des niveaux rarement observés –, ce qui suggère que les
    entreprises et leurs banques se sont accordées sur des différés ;
•     dans un contexte de fortes perturbations sur les marchés de capitaux, les émissions nettes de titres de créances
    sont brutalement devenues négatives (– 2,4 milliards d’euros, après 12,4 milliards d’euros en février), poussant
    les entreprises à se reporter vers les banques, comme en témoigne d’ailleurs la mobilisation de lignes de crédit
    non tirées jusqu’à présent.


1  Dans les comptes nationaux, l’épargne financière correspond au solde entre l’épargne totale (qui s’obtient comme la différence entre le revenu disponible brut et la consommation) et la formation brute de capital fixe (FBCF). Pour les ménages, la FBCF correspond principalement aux dépenses d’acquisitions de logements neufs et de grosses réparations de logements. Au niveau macroéconomique, les acquisitions de logements anciens ne contribuent pas à la FBCF des ménages, car il s’agit d’actifs déjà existants qui s’échangent entre ménages.

Sous réserve de l’évolution de la FBCF, la hausse de l’épargne totale en mars est probablement du même ordre de grandeur que celle de l’épargne financière.
 

Cette envolée conjointe des crédits et des dépôts des sociétés non financières peut s’expliquer par le mécanisme selon lequel « les crédits font les dépôts ». Les entreprises ont anticipé une chute de leurs ventes en raison de la baisse de la consommation pendant la phase de confinement. Dans le même temps, elles ont dû assurer le paiement de leurs charges fixes, et régler les échéances liées à leurs transactions commerciales passées (paiement de leurs fournisseurs, paiement des salariés pour la part non prise en charge par l’État dans le cadre du dispositif de financement du chômage partiel, etc.) ; ainsi pour sécuriser leur trésorerie elles ont largement emprunté en début de période, et la hausse de leurs dépôts représente dans une large mesure le décalage temporel entre la réception des fonds empruntés, et leurs prévisions de décaissements à venir.

Les statistiques détaillées seront disponibles dans les Statinfos listés ci-dessous :

Évolutions monétaires France (mars) – 29 avril

Crédits aux sociétés non financières (mars) – 29 avril

• Crédits aux particuliers (mars) – 7 mai

• Financement des SNF (mars) – 13 mai

• Crédits par taille d’entreprise (mars) – 15 mai

• Épargne des ménages (T4 2019/T1 2020) – 22 mai

La Banque de France remercie les établissements de crédit, organismes d’assurances, organismes de placement et l’ensemble des entités participant à ses enquêtes qui, dans le contexte actuel, ont assuré la continuité de leurs déclarations statistiques. Cette continuité est essentielle pour mettre à la disposition des autorités publiques et du public les éléments de diagnostic apportant un éclairage fiable sur la trajectoire de sortie de crise.

 


 

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L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises : une première photographie à partir des données monétaires et financières à fin mars 2020.
  • Published on 04/29/2020
  • 5 pages
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